Sorte de fruit des bords de la mer Caspienne. Sur ce fruit, Ioannes
Daubmannus, imprimeur polonais, a laissé la note suivante : les Khazars
récoltent une sorte de fruit qui ne pousse nulle part ailleurs dans le monde.
Il est recouvert d’une peau à écailles semblables à celle des poissons, ou à
celles de la pomme de pin. Il pousse sur un arbre très haut, et les fruits sur
les arbres font penser aux poissons, que les aubergistes accrochent vivants par
les ouïes au-dessus de la porte, annonçant ainsi qu’ils servent de la soupe de
poisson. Parfois, ce fruit émet un chant qui ressemble à celui du pinson. Il a
un goût très frais et un peu salé. En automne, son noyau battant comme un cœur,
il tombe de la branche et tournoie pendant quelques instants comme s’il nageait
dans les vagues du vent. Les gamins les chassent avec leurs lance-pierres et,
parfois, des éperviers abusés l’attrapent dans leur bec, le prenant pour un
poisson. D’où le dicton khazar : « Les Arabes nous mangeront, pensant
comme le faucon que nous sommes des poissons, alors que nous sommes des
kous. » Le mot kou — le nom de
ce fruit — était le seul que le cheïtane avait laissé dans la mémoire de la
princesse Ateh après qu’elle eut oublié sa langue.
Parfois, la nuit, on entend des «kou-kou». C’est
la princesse Ateh qui prononce le seul mot qu’elle connaît, et qui pleure,
essayant de se rappeler ses poèmes perdus.
Les chasseurs de rêves khazars portent sur eux une feuille de
«kou» (lune), plante qu’ils cultivent en secret. Quand on pose
cette feuille sur un voile déchiré ou sur une blessure, déchirure et blessure
disparaissent en un clin d’œil. »
Milorad Pavić
Le
dictionnaire khazar, roman-lexique (Mémoire du livre, 1998)
exemplaire androgyne
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