Codex Caioni, interprété par l'ensemble XVIII-21 le Baroque Nomade, sous la direction de Jean-Christophe Frisch, convie l’auditeur à un jour de noces en Transylvanie, qui met en valeur les croisements de la musique baroque et traditionnelle.
Résumé et extraits du livret : "Le Codex Caioni" est le manuscrit personnel de l’organiste d’un monastère perdu au fin fond de la Transylvanie …/… Une pièce présente sous trois versions y joue un rôle particulier, et il semble bien qu’il s’agisse d’un autoportrait de l’auteur, figuré sous les traits d’un lièvre.
Johannes Caioni / Ioan Caianu, né orthodoxe en 1629, est converti au catholicisme en 1648, devient franciscain en 1650. Premier musicien roumain ayant acquis une réputation européenne, il meurt en 1687, prieur d’un monastère.
Caioni subit au cours de sa vie des pressions hostiles. De la part des nobles hongrois, envers un franciscain "valaque", nommé évêque en 1678 par le pape Innocent XI (un poste dont, par force sans doute, Caioni démissionnera). En réalité, les chasseurs qui poursuivent le confrère Johannus sont multiples et variés : rois, prêtres, religieux, paysans, soldats… Toute une meute !
Jean-Christophe Frisch écrit à ce propos :
Ce qui n’empêche pas le lièvre de "danser". C’est sa danse qui lui permet de s’exclamer au moment où le chasseur croit l’avoir rejoint : "je suis libre !"…/… Et les valeurs qu’il nous demande de recueillir après sa fuite ? S’agit-il des œuvres du créateur, ou en filant la métaphore du lièvre, ce que le chasseur qui a raté sa cible découvre là où l'animal est passé: ses crottes ? Je crois que, dans son élégante rhétorique latine, Johannes Caioni nous dit "m… !"
Au XVIIe siècle, la Transylvanie est une principauté à peu près indépendante, cosmopolite : à la fois hongroise, roumaine et allemande ; d’innombrables minorités y vivent, dans des conditions souvent misérables : Tsiganes, Juifs, Ruthènes, Arméniens… apportant, comme on s’en doute, toutes sortes d’influences, notamment musicales.
La Transylvanie, placée au cœur de l’Europe musicale, s’inscrit dans un brassage des genres et un enchevêtrement de styles, dont le manuscrit du "Codex Caioni" témoigne, reflet de la diversité culturelle et de la tolérance religieuse de la Transylvanie du XVIIe siècle (relativement au reste de l'Europe).
Après avoir été dissimulé dans un mur pendant quelques décennies, le manuscrit a ressurgi en 1988 (les moines qui le conservaient avaient voulu le protéger de l’invasion soviétique, puis la cachette a été oubliée. C’est un maçon qui a découvert le volume, à l’occasion d’une restauration).
Par accumulation, le Codex est roumain, hongrois, allemand, mais aussi italien, français, etc. Les danses populaires rappellent la présence des Tsiganes, des Juifs, des Houtsoules, de la musique turque et certaine mélodie pourrait être d’origine géorgienne.
Cette diversité européenne est l’âme même du Codex Caioni : elle rappelle que la Roumanie et la Transylvanie ont toujours été au cœur de l’Europe, ne l’ont jamais quittée, même si nous, lointains Français, l’avons un peu oublié (certes ! Et ce ne sont pas les événements-mascarades de cet été qui permettront de réparer cet oubli).
Jean-Christophe Frisch conclut :
Il est donc particulièrement significatif que cet enregistrement soit publié peu après l’adhésion de la Roumanie à l’Union Européenne, dans le cadre de la Saison culturelle européenne mise en place par la France à l’occasion de sa présidence de l’Union.
Le "Codex Caioni" est à disposition ci-dessous… Pour le plaisir de chacun, y compris celui de Nicolas et du caporal Brice (mais le méritent-ils vraiment ?)