Galerie de l'évolution du nouvel Homme de verre
La symbolique, pas plus que les croyances populaires, ne font de différence entre le lièvre et le lapin. Pour certaines civilisations anciennes, le lièvre était un « animal de la lune » car les taches sombres que l’on peut voir sur le disque lunaire ressemblent à un lièvre en pleine course.
Encyclopédie des symboles (sous la direction de Michel Cazenave, La Pochothèque,1996)
auteur-éditeur : www.remy-leboissetier.fr
vendredi 27 avril 2012
jeudi 26 avril 2012
Le livre de l’intranquillité II, Fernando Pessoa [Christian Bourgois éditeur, 1992]
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Lentement, dans la
clarté lunaire qui baigne au-dehors une lente nuit, le vent agite des choses vagues, qui font de l'ombre en
bougeant. Ce n'est peut-être que du linge étendu à l'étage au-dessus, mais l'ombre,
par elle-même, n'a cure de
chemises et flotte, impalpable, en muet accord avec toute chose.
J'ai laissé ouverts les volets intérieurs de ma fenêtre, afin de
me réveiller tôt, mais jusqu'à présent — et la nuit est si avancée qu'on n'entend aucun bruit
— je n'ai pu ni
m'abandonner
au sommeil, ni demeurer tout à fait éveillé. Il y a bien un clair de lune, par-delà
l'obscurité de ma chambre, mais qui ne traverse pas la fenêtre. Il existe, simplement, plein jour argenté et
creux, et les toits d'en face, que j'aperçois de mon lit, sont des coulées de blancheur noirâtre.
Tel un salut des hauteurs, adressé à qui ne peut les entendre, une paix mélancolique descend dans
la lumière crue de la lune.
Et sans voir, sans penser, les yeux clos déjà sur le sommeil qui me fuit, je
réfléchis aux mots qui pourraient, véritablement, décrire un clair de lune. Les
anciens auraient dit qu'il est
blanc, ou d'argent. Mais la fausse blancheur d'un clair de lune possède bien
des couleurs. Si je me levais de mon lit pour jeter un regard à travers les vitres froides, je sais
bien que, dans les hauteurs solitaires, le clair de lune est d'une blancheur
gris bleuté, d'un jaune fané ; que, sur les toits aux formes diverses, taches
noires basculant les unes sur les autres, la lune tantôt dore d'un blanc noir les façades
soumises, tantôt noie d'une couleur sans couleur le rouge brunâtre des toits de
tuiles. Tout en
bas, dans
la rue, abîme paisible, aux pavés nus s'arrondissant irrégulièrement, le clair
de lune n'a plus de couleur, sauf une teinte bleutée qui lui vient peut-être du
gris des pierres. Au ras de l'horizon il est, peut-être, d'un bleu sombre,
différent de ce bleu-noir du ciel à son zénith. Lorsqu'il tombe sur les vitres
des fenêtres, il est d'un jaune noir.
Ici, de mon lit, si j'ouvre les yeux — ces yeux envahis d'un
sommeil qui ne m'envahit guère —, je vois un air neigeux devenu couleur pure,
où flottent des filaments tièdes et nacrés.
Et, si je le pense avec ce que je ressens, c'est un ennui devenant
blanche ténèbre, lentement obscurcie comme si mes yeux se fermaient peu à peu
sur cette indistincte blancheur.
mardi 24 avril 2012
Les jeux de l’amour et du langage, Jérôme Peignot [rue des Cascades, 2009]
Jérôme Peignot (né en 1926) est l'auteur d'une trentaine d'ouvrages qui
comprennent romans, pamphlets, nouvelles, essais, albums pour enfants... Il s'est
également fait connaître en participant à diverses actions politiques, en
publiant Les écrits de Laure, et en dirigeant un ouvrage important sur
la Typoésie (sur le sens de ce
mot, se reporter ici à l’article du magazine littéraire Le Matricule des anges) ainsi qu’une Histoire et art de l’écriture (en association avec Marcel Cohen).
Il est le fils de Charles Peignot, directeur de la fonderie Deberny et Peignot.
Jérôme Peignot découvre au Lycée Louis-le-Grand
les ravissements de la culture savante en même temps que la cruauté de la
guerre (il en parle abondamment dans ses nouvelles et sera décoré pour faits de
résistance). Bachelier en 1945, il s'inscrit en Sorbonne pour y obtenir un certificat
d’esthétique de la licence libre en 1946 et suit parallèlement la scolarité
de l'École Estienne, dont il sera diplômé. Engagé tôt en littérature, sous
l'influence de Michel Leiris en particulier, Jérôme Peignot publie en 1957 le
premier volume de ses Jérômiades suivi de deux autres (le tome
III obtiendra le prix Sainte-Beuve en 1962, mais l’ensemble est aujourd’hui
épuisé). Il travaille néanmoins dans l'édition, d’abord aux services de
fabrication puis en tant que lecteur et rédacteur. À partir de 1961, le monde
de la radio fait appel à lui. C’est un collaborateur régulier de l’émission Le
masque et la plume dont il est jusqu'en 1964 co-producteur et
co-réalisateur. Puis, de 1972 à 1983, il produit diverses émissions littéraires
et philosophiques pour France Culture : Les chemins de la connaissance, Les
nuits magnétiques, La matinée littéraire... Il apparaît également dans un
long-métrage de Michel Polac, La chute d'un corps. Enfin, entre 1981 et 1991, Jérôme
Peignot revient en Sorbonne pour se charger d'un cours sur l'écriture et la
typographie, après avoir obtenu en 1982 un doctorat d'État sur le sujet de la
calligraphie latine. Distingué Chevalier des arts et Lettres en 1984, Jérôme
Peignot a versé ses archives personnelles et manuscrits à la Bibliothèque de
l'Arsenal (Paris) en 2007.
Les jeux de l’amour et du langage, publié pour la première fois en 1974 dans la collection
10/18, réédité récemment par l’éditeur Rue
des Cascades, s’organise en 15 chapitres, débute par un Petit traité de l’androgyne et se
termine par un essai sur Georges Bataille, au sujet du pouvoir érotique des
mots qui conduit à traverser ou crever, non sans risque, "le mur
du sens". Dans le chapitre III, "Le cri silencieux de l'extase tantrique", l'auteur rappelle la situation de crise annoncée depuis longtemps par le philosophe René Guénon :
Dans
son ouvrage intitulé La crise du monde
moderne, René Guénon démontre avec un luxe de détails à quel point il est
évident que nous nous trouvons dans cette dernière période dite du Kali-Yuga au terme de laquelle le monde
doit s’enfoncer dans la nuit. « Le monde moderne, écrit-il, ira-t-il jusqu’au
bas de cette pente fatale ou bien, comme il est arrivé à la décadence du monde
gréco-romain, un nouveau redressement se produira-t-il cette fois encore avant
que le monde n’ait atteint le fond de l’abîme où il est entraîné ? Il
semble bien qu’un arrêt à mi-chemin ne soit plus guère possible et que, d’après
toutes les indications fournies par les doctrines traditionnelles, nous soyons
entrés vraiment dans la phase finale du Kali-Yuga,
dans la période la plus sombre de cet âge sombre, dans cet état de dissolution
dont il n’est plus possible de sortir que par un cataclysme, car ce n’est plus
un simple redressement qui est nécessaire, mais une rénovation totale. »
Jérôme Peignot écrit à la suite de
ce long extrait :
Il nous
reste donc peu de chances de nous en sortir. Si, néanmoins, nous voulons nous
extraire de ce mouvement dans lequel nous sommes pris, il nous faut commencer
par le commencement, c’est-à-dire par réviser notre manière de considérer
l’amour.
Peu d’ouvrages nous parlent ainsi d’une redéfinition
de l’amour (mais peut-être que la période d’écriture de cet ouvrage s’y prêtait
plus favorablement) et des rapports qu’il entretient avec le
langage, ses équivoques, ses impasses, ses plaisirs... En chemin, de page en
page, Jérôme Peignot rappelle des évidences, nous reconduit en toute (fausse) simplicité
à l’essentiel :
L’art
n’est qu’un prolongement du sentiment amoureux.
Les mandalas nous font parfaitement saisir
que l’amour est l’occasion par excellence de voir s’abolir les contraires.
Dans le chapitre IV, Le roman vrai de Tristan et Iseut ou De la
fable à la légende :
Il
n’est pas d’amour qui ne soit une diffraction, une déviation. L’amour n’est pas
dans les mots mais entre les mots.
Passant de la Quête du Graal à l’art
d’aimer des troubadours, Peignot aborde les gnostiques :
Un
gnostique n’a pas la foi, il connaît et, comme il « connaît » ce
qu’il importe de savoir par l’entremise de l’amour de la femme qui détient la
Sophia, il vit sa « Connaissance » plutôt qu’il ne l’acquiert. Ainsi
pour un gnostique, « aimer » signifie « comprendre ». De
fait, existe-t-il une forme de connaissance plus accomplie que l’amour ?
Dans les chapitre suivants, l'auteur continue de s'interroger sur les interactions de l'amour sur le langage, s’intéresse à
la secte des Adamites (et au Royaume
millénaire de Jérôme Bosch), au langage des sorcières, à la Kabbale, aux
aphorismes de William Blake, au "langage blanc" d’Hypérion du poète
Hölderlin, à la "re-création" du langage Fouriériste, à l’écriture
surréaliste :
C’est
que, lui aussi, l’argot procède par périphrases et il est souvent parfaitement
séant, évoquant l’amour et ses plaisirs, d’emprunter ces chemins de traverse.
Les mots ont leur part de responsabilité dans les « égarements » tant
de « l’esprit » que du « cœur ».
Citant André Breton, dans ce même
chapitre :
"Et
qu’on comprenne bien que nous disons jeux de mots quand ce sont nos plus sûres
raisons d’être qui sont en jeu. Les mots, du reste, ont fini de jouer :
les mots font l’amour"
Enfin, dans le chapitre XV qui clôt
cet ouvrage, où il fait référence à Georges Bataille ainsi qu’à Sade, citons ce
dernier extrait :
L’essentiel
de la transe érotique se vit dans l’imaginaire, la pratique n’étant jamais qu’à
la traîne d’une imagination phare. En ce sens, l’érotisme n’est autre que
l’imagination réduite à sa plus simple expression et sous sa forme la plus
déliée. Mais il n’est possible de faire montre de cette
« imagination », dans tout ce qu’elle implique, qu’amoureux. L’amour
est l’érotisme. C’est lui qui confère à l’érotisme son caractère de transe.
Une autre video de Jérôme Peignot est visible sur Dailymotion
mardi 17 avril 2012
samedi 14 avril 2012
David Chesworth
Depuis ses débuts en 1978, alors
qu’il anime à Melbourne un centre de musique expérimentale, performance
et video, David Chesworth est devenu l’un des compositeurs et artiste sonore
les plus importants d’Australie. Après une expérience dans un groupe post-punk,
Essendon Airport (1978-1983), il a
alterné réalisations personnelles et collaborations, sans cesser de
s’intéresser à ces deux versants, celui du musical et du sonore,
au croisement de différentes disciplines et surtout en conjonction de différents genres et cultures, tant populaire que classique.
David Chesworth & Sonia Leber
David Chesworth et Sonia Leber créent
des d’installations dans des galeries d’art et autres lieux publics, combinant
des environnements faisant intervenir le son et l’image, et utilisant la voix
humaine pour principal medium. L’intérêt de Chesworth se porte également vers
le théâtre et l’opéra contemporain avec plusieurs commandes de musiques de
scènes.
David Chesworth Ensemble
Chesworth est par ailleurs — et
c’est ce qui nous intéresse ici en premier lieu — le directeur artistique d’un
ensemble du même nom, créé au milieu des années 90. Jouant
sa propre musique et celle de quelques autres compositeurs, le DCE a tracé sa
propre voie, en créant une musique particulièrement inventive et évocative qui lui
a fait gagner une audience internationale. Les compositions de David Chesworth
ont été jouées et largement présentées en Australie, et au-delà, figurant au
programme de grands festivals tels que : Ars Electronica, Festival
D'Automne de Paris, Edinburgh
Festival, BAM's Next Wave Festival in
New York, Bang on a Can Marathon,
Sydney Biennale et Adelaide Festival… Le David Chesworth
Ensemble a partagé la scène avec des musiciens de différentes formations comme
le Gavin Bryars Ensemble, The Bang On a Can Allstars, Nick Cave and the Bad
Seeds.
Discographie
A cette date, L’ensemble a réalisé
quatre CD (malheureusement onéreux à l’import), dont :
BADLANDS SUITE
Ce disque est fondé sur des extraits
de Musica poetica du compositeur Carl
Orff (1895-1982, plus connu pour son œuvre Carmina Burana), que Chesworth a découvert par la musique du film de
Terrence Malik, Badlands. Il s’intéresse
ensuite aux œuvres pédagogiques de Carl Orff, Schulwerk (atelier scolaire) et
apprécie la nature simple, élémentaire de leur motifs et une certaine
qualité déconcertante qu’il reconnaît pour une part dans son propre
travail, ce qui l'a conduit à retravailler cette musique à sa manière.
MUSIC TO SEE THROUGH
L’Ensemble présente ici le meilleur
de sa créativité, appuyé par trois célèbres voix australiennes : Robert
Forster, des Go-Betweens, Lisa Miller et Amanda Stewart.
Panopticon,
premier titre du CD, a été élu meilleure œuvre instrumentale de l’année 2006
aux Classical Music Awards d’Australie.
VANISHING TEKOPIA
Ce disque se réfère indirectement à un îlot du Pacifique qui est en train de disparaître lentement, comme beaucoup d'autres, en raison de l'élévation du niveau des mers. Mais ce disque se réfère aussi à de nombreuses minorités culturelles à travers le monde qui sont menacées de disparition, par la pression croissante des forces environnementales, politiques et économiques. Cela inclut les Hmong au Laos, les Ogoni dans le delta du Niger et les Naga en Inde du nord. Pour ce disque, les deux vocalistes ont formé un langage phonétique que David Chesworth a inventé. Vanishing Tekopia est à la fois comme un Requiem et la conséquence du processus d'absorption et d'assimilation culturelle.
mardi 10 avril 2012
Alice, par Vladimir Clavijo-Telepnev
Vladimir Clavijo-Telepnev est né en 1962 à Moscou. Diplômé
de l’Académie des arts graphiques en 1986, il s’est attaché entre autres à la
réalisation d’illustrations pour Alice au pays des merveilles, au moyen du
medium photographique. L’aspect monochrome de ses compositions, comportant de
subtiles nuances de couleur, l’ambiance de ses mises en scène et les éléments
du décor donnent à l’ensemble une esthétique ancienne, empreinte de romantisme
et de langueur mélancolique, qui nous renvoie en effet à celle de l’Angleterre
victorienne. L’artiste se réfère à ce type d’univers idéalisé, où perce une
certaine tristesse, qui peut se confondre avec une sorte de rêve éveillé,
rejoignant également les impressions de certains tableaux du symbolisme russe
du tout début du XXe siècle, à travers des artistes comme Viktor
Borisov-Musatov, Mikail Vrubel, Nikolai Sapunov ou Sergei Sudeikin et de leur
groupe nommé la Rose bleue, après une exposition du même nom.
lundi 9 avril 2012
Le philosophe et le perroquet, Jacques Sojcher - Mémoires du perroquet Papageno, Noël Devaulx
Jacques Sojcher est un écrivain belge francophone, né à Bruxelles en 1939, de père slovaque et de mère polonaise. Professeur de philosophie et d'esthétique à l'Université libre de Bruxelles.
Parmi ces ouvrages, citons : Le professeur de philosophie (éditions Labor), La démarche poétique (Union Générale d'éditions, 10/18).
La vidéo le présente ici en résidence d'écriture à la Chartreuse d'Avignon.
Pour faire suite à Jacques Sojcher, pourquoi ne pas mentionner Mémoires du perroquet Papageno publié chez Dumerchez en 1993, de Noël Devaulx ? Votre lièvre précieux vous recommande cet écrivain un peu oublié, attaché généralement au genre fantastique, mais qui se disait plutôt "observateur de l'étrange". Né à Brest le 9 décembre 1905, mort le 9 juin 1995, il avait renoncé à une
carrière maritime pour des raisons de santé et, devenu ingénieur, avait choisi
d’évoquer le mystère des choses dans de brefs récits qui peignent l’enfance et
des mondes étranges où guettent le dédoublement, la mort et la sorcellerie.
Publié
essentiellement par Gallimard (mis à part Avec vue sur la zone,
un ensemble de nouvelles chez José Corti, d’ailleurs indisponible), Noël Devaulx
a obtenu le Grand prix de la Société des gens de lettres en 1989 pour
l’ensemble de son œuvre, qui compte de nombreux ouvrages composés en grande
partie de nouvelles (contes, récits) : Compère, vous mentez !, La dame de Murcie, Le lézard d'immortalité, Capricieuse Diane, etc.
mardi 3 avril 2012
lundi 2 avril 2012
L’aphorismose, Théodore Koenig [extrait]
"Ne pourrait-on dire d’un livre comme d’un lièvre : plus
il est épais, plus il court à sa perte."
Théodore Koenig, L’aphorismose
Éditions de la Différence, 1995

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