La symbolique, pas plus que les croyances populaires, ne font de différence entre le lièvre et le lapin. Pour certaines civilisations anciennes, le lièvre était un « animal de la lune » car les taches sombres que l’on peut voir sur le disque lunaire ressemblent à un lièvre en pleine course.

Encyclopédie des symboles (sous la direction de Michel Cazenave, La Pochothèque,1996)


auteur-éditeur : www.remy-leboissetier.fr

vendredi 1 août 2014

Katy Rémy : La femme des petites provinces, opus 2 [ Contre-Pied, 2014 ]

De la femme des petites provinces, nous n'aurons aucune description, elle n'a même pas de biographie. Nous voilà bien renseignés ! C'est donc sans histoire que nous sommes conviés à suivre ses traces au cours de ses menus voyages. Il n'existe pas de diminutif, à ma connaissance, pour dire un petit voyage. Excursion, incursion seraient des termes à la fois trop vagues et connotés, par trop ampoulés... Elle rassemble ici ses notes prises sur le vif auxquelles elle nous fait témoin, ou plutôt tente d'assembler cette matière vivante et disparate, avec toujours ce vieux rêve d'une pensée qui s'écrirait sans (trop) y penser, de manière aussi évidente que la « pommalité » de la pomme, par exemple. Atteindre cette "pommalité" n'est pas chose facile (Henri Michaux, par le biais de Plume, s'y est essayé), mais ce n'est pas tant le cœur de la pomme qui l'intéresse, plutôt ce qui y gravite, autour du cadran des heures. Ne dit-elle pas quelque part, en vraie chasseuse atmosphérique, que l'héroïsme serait "une vue intérieure et verticale qui prend en compte le temps dans tous ses états" ? À n'en pas douter, Katy Rémy possède une voix particulière, et pas seulement une vue intérieure portée par ses qualités d'observation de la faune extérieure. Il serait enfin temps de le remarquer.
Précisons également que La femme des petites provinces est un vaste chantier d'écriture, dont on aimerait saisir un jour la totalité des tonalités, qui ne nous parvient pour l'heure que morcelée. Quoiqu'il en soit des circonstances, votre lièvre précieux attend patiemment le prochain opus, regardant au loin, vers l'oppidum de Cemenelum, d'un air détaché (selon les pointillés).

En attendant, avec la bienveillance de l'auteur(e) et de l'éditeur, voilà un extrait :

"À jamais s'impose à elle, assise là, dans un bar à marins du vieux port, l'image de ce pauvre Robinson au dos écorché.

Ce qu'elle note pourtant, c'est le lapin suspendu à la porte de la grange, sec et racorni, sa forme pleine de sang sur la table, image fétide. Le plein et le délié. On ne peut même plus prononcer le mot écorchure en soignant un enfant, car c'est sa peau duveteuse qui s'accroche au cœur. On voudrait dire et on ne le peut pas. La plaie est plus facile à mentionner : elle est biblique et tient dans le langage sentimental une telle place. Pour l'écorchure, il faut faire intervenir l'écorcheur, le bourreau. Afin de permettre à ce mot d'échapper au désastre, on a précisé "écorché vif". Et alors, l'écorché mort, c'est le lapin ? Mais qui a testé son cœur et son âme ? Qui sait quoi que ce soit de cet état de mort qui puisse laisser entendre que l'on peut être écorché mort ?

Il y avait une comptine quand elle était enfant :
L'écorché, le lapin, le mort
Peau sèche, racornie, pendue
Etc.

Complétons-la donc :
Peau de l'écorché
racornie
le visage luisant
la renie

Et pour rire :
Et ses pieds que j'entoure
de papier d'argent pour
le cuire farci

Important : ce qui reste du lapin, et ce qui disparaît, c'est l'emblème, les oreilles, forme de fourrure que nous ne mangerons jamais."

De la même (h)auteur(e), signalons aussi la publication quasi-simultanée de "Journellement" dans la collection Courts Circuits des éditions Plaine Page.