Surtout
connu pour être l'auteur du roman "Peter Ibbetson",
George Louis Palmella Busson du Maurier naît en 1834 à Paris. Il
fut d'abord illustrateur, plus tardivement romancier.
Naissance
& Ascendance
George
est issu d'une famille française émigrée en Angleterre sous la
Révolution : son grand-père, Robert Mathurin Busson (du) Maurier,
homme aventureux, ne fuit pas en raison d'une prétendue appartenance
aristocratique - image qu'il se donne avec l'ajout d'une particule -
en réalité il quitte son pays en 1789 pour éviter des délits de
fraude. Souffleur de verre de son métier, il travaille un temps à
Londres, y fait de la prison... puis revient en France en 1802 où il
sera maître d'école jusqu'à sa mort en 1811.
Le
père de George du Maurier, Louis, quatrième des enfants de Robert
Mathurin (qui en eut six, et dont il négligea la charge), grandit à
Londres jusqu'à ses dix-huit ans, date à laquelle la famille vient
habiter Paris. Il y étudie d'abord le chant d'opéra puis trouve
plus d'intérêt dans les inventions scientifiques. En 1831, Louis du
Maurier épouse Ellen Clarke, fille d'une célèbre courtisane du
Régent, et George naît dans la maison familiale, près des Champs
Élysées, apprenant simultanément les deux langues (ce n'est pas
par hasard que le thème du dédoublement de personnalité soit
présent dans ses romans). Les premiers souvenirs de France
marqueront durablement sa vie et son œuvre.
1834-1853
: Belgique, Angleterre, France
Peu
après sa naissance, la famille vit successivement dans différents
pays : en Belgique, à Bruxelles, où le père est conseiller
scientifique à l'Ambassade du Portugal, en Angleterre, puis revient
s'installer en France (banlieue de Passy, entre 1842 et 1846). Louis
du Maurier entend poursuivre des études scientifiques, mais c'est un
inventeur qui perd tout son argent dans différents projets sans
issue.
A
13 ans, George étudie à la Pension Froussard, avenue du Bois de
Boulogne. Après la révolution de 1848 qui met fin à la monarchie,
le père inscrit son fils, qui a échoué dans ses études, au
Berbeck
Chemical Laboratory,
à l'université de Londres. A 17 ans, George du Maurier, accompagné
de toute sa famille, vit dans un appartement à Pentonville.
Délaissant les études de chimie, George aspire un temps à devenir,
comme son père auparavant,
chanteur d'opéra, un art pour lequel il ne possède pas les qualités
requises. Déprimé, il passe son temps à National
Gallery,
Covent
Garden
et au British
Museum.
En 1853, sa sœur Isabella le présente à une belle héritière,
Emma Wightwick, qui deviendra sa femme une décennie plus tard.
1856-1860
études artistiques (France, Anvers, Malines, Düsseldorf)
Peu
après le décès de son père en 1856, George du Maurier retourne à
Paris pour y suivre des études artistiques. Une fois de plus, la
famille entière l'accompagne et occupe un appartement 53 rue
Notre-Dame-des-Champs. Il a décidé de devenir artiste et fréquente
quelques mois l’atelier alors réputé de Charles Gleyre, où il se
fait l'ami de jeunes peintres talentueux, dont l'américain James
Whistler, de Thomas Armstrong (futur directeur artistique du South
Kensington Museum) et
Edward Poynter (devenu plus tard Président de la Royal
Academy).
Le
Quartier latin est alors, avec Montmartre, le quartier préféré des
artistes. De nombreux peintres peuplent la rue : Carolus-Duran
habite un studio au n°58 (son atelier est situé 81 boulevard
Montparnasse, au bout du passage Stanislaus), Rosa Bonheur vit au 61,
William Bouguereau au 75, Whistler au 86, etc.
Ses
études le conduisent ensuite en Belgique, à Anvers où il perd
l'usage de l’œil gauche, à Malines, en Allemagne à Düsseldorf
puis le ramènent définitivement à Londres en 1860, en recherche de
travail dans l'édition de presse. Finalement le magazine Once
a week
accepte de publier une suite d'illustrations d'après une histoire
intitulée "Faristan et Fatima", puis son premier "cartoon"
paraît dans Punch.
Années
1860-1870
Conforté
par de nouvelles commandes et commençant à se faire un nom, George
du Maurier se marie avec Emma Wightwick en janvier 1863. Deux années
plus tard, il fera partie des employés permanents du magazine Punch
et s'y maintiendra jusqu'à sa mort.
En
1866, il propose sa première œuvre majeure au magazine, une série
intitulée A
Legend of Camelot,
satire visant les principales figures du mouvement esthétique
représenté par Dante Gabriel Rossetti et Walter Pater, en
particulier, et leur "culte de la beauté". Jusqu'en 1885,
il poursuit dans une voie de satire sociale, avec des parodies des
"nouveaux riches" et ironisant également sur les "patrons
des arts"...
En
1869, George du Maurier et sa femme se joignent à la communauté
"bohème" de Hampstead Heat et passent régulièrement leur
vacances en Haute Normandie, à Dieppe, Le Havre ou Étretat. En
1874, ils se déplacent à New
Grove House,
toujours à Hampstead, dans une maison qu'ils occuperont pendant les
vingt années suivantes. Du Maurier entretient des relations amicales
avec John Millais, artiste pré-raphaélite, et l'écrivain à succès
George Eliot, notamment. Durant les premières années 1870, il
commence à souffrir de problèmes oculaires et doit, sur conseil
médical, travailler à plus grande échelle, ce qui entraîne une
perte de qualité de son travail graphique. George du Maurier publie
également dans d'autres revues, dont Harper's
Magazine
: proses et caricatures qui fustigent la classe dominante et la
petite bourgeoisie.
En
1878, croyant illustrer une nouvelle invention de Thomas Edison, le
téléphonoscope,
il invente sans le savoir le concept de la télévision et celui de
la vidéo-conférence. De même que le roman Peter
Ibbetson
fait valoir la communication à distance entre deux êtres, nous
qualifierions cette notion de "heureux hasard" ou
"sérenpidité".
Les
historiens sont unanimes à reconnaître dans ce dessin la première
anticipation de la télévision, tenant compte de la mise au point du
téléphone. Il est vraisemblable que du Maurier ait eu vent du
téléphonoscope d'Edison, imaginé quelques mois plus tôt. La
rumeur populaire avait attribué à l'inventeur la possibilité de
communication à distance par transmission visuelle et sonore, alors
qu'il s'agissait seulement de ce qu'on appellerait aujourd'hui un
mégaphone (en 1890, l'auteur et illustrateur Albert Robida fit une
description plus détaillée du téléphonoscope dans son roman
d'anticipation "Le xxe
siècle. La vie électrique", dans le sens qui convient à
l'illustration de George du Maurier).
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une autre illustration en relation avec Edison |
Années
1880 à 1890
Dans
les années 1880, il se joint au Rabelais
Club,
qui organise des dîners littéraires et qui compte parmi ses membres
l'écrivain Thomas Hardy, dont deux romans - malheureusement mineurs
- seront illustrés par du Maurier, puis Henry James, avec qui il
sera aussi lié d'amitié. On doit noter que ses illustrations de
romans et nouvelles forment une longue liste et que ses
collaborations à d'autres publications de presse sont multiples.
Toutefois, dans ces mêmes années, George du Maurier connaît
quelques déboires, dont la plus importante est de ne pas avoir
accédé comme il l'espérait au poste d'éditorialiste de Punch.
C'est aussi au cours de cette période qu'il se tourne vers
l'aquarelle, sans obtenir de résultat satisfaisant, étant fin
dessinateur, non coloriste.
George
du Maurier, romancier tardif à la postérité précoce : 1891-1896
Sa
vue se détériorant, George du Maurier est contraint de quitter
Punch
en 1891. Au cours de cette dernière période, encouragé notamment
par Henry James, il se met à écrire et rencontre alors un franc
succès, dont hélas il bénéficiera peu longtemps. Trois romans
seront successivement publiés, illustrés par ses soins, qui mêlent
le réel au merveilleux : Peter
Ibbetson (1891), Trilby
(1894) et Le Martien
(1897).
Peter
Ibbetson (1891)
On
dit que Du Maurier avait suggéré le sujet du roman à Henry James,
qui déclina l'offre mais l'incita à l'écrire lui-même. C'est ce
que dit Claude Roy dans sa présentation pour l'édition française,
dans une traduction établie par Raymond Queneau (Gallimard, 1946),
disant également ceci : "Et la merveille de ce merveilleux
livre, c'est que les rêves de Peter Ibbetson sont si beaux que tout
à fait vrais, et si vrais qu'inoubliablement beaux." Pourtant,
si le livre reçut un bon accueil, il tomba dans un relatif oubli,
avant d'être redécouvert grâce au film éponyme américain de
1935, réalisé par Henry Hathaway, qui suscita un vif intérêt des
Surréalistes, faisant notamment dire à André Breton, dans L'amour
fou qu'il s'agissait d'un
"film prodigieux, triomphe de la pensée surréaliste".
Notons
toutefois que le roman fut adapté et porté à la scène à Broadway
en 1917, qu'il fit l'objet en 1921 d'un film muet intitulé Forever
de George Fitzmaurice avec l'acteur Wallace Reid, d'un opéra de
Deems Taylor et Constance Collier, représenté 55 fois entre 1931 et
1935, de théâtre filmé (Ford
Theater) et d'une
adaptation radiophonique dirigée et interprétée par Orson Welles
(Campbell Playhouse Radio).
Trilby
(1894)
Si
Peter Ibbetson
fut un succès, Trilby,
le second roman, fut à son époque un véritable best-seller,
numéro un des ventes de
1894, atteignant le chiffre de 300 000 exemplaires vendus à la fin
de l'année. Le public autant que la critique adorèrent Trilby,
qui raconte l'histoire d'une modèle pour artistes très pauvre, qui,
sous l'influence hypnotique de Svengali,
un musicien génial et maléfique, entre en transe et devient
momentanément une chanteuse de talent. Évocation douce-amère de la
vie de bohème française de l'auteur (l'action se déroule
principalement dans le Quartier Latin), l’œuvre romanesque connut
une popularité telle qu'il donna son nom à divers produits, en
particulier à un chapeau, le « trilby », inventé à
l'occasion d'une adaptation du roman pour la scène. L'intrigue de
Trilby
inspira en partie Le fantôme
de l'Opéra de Gaston
Leroux. Il y caricature également, sous les traits de Joe Sisley, le
peintre Whistler, son ancien compagnon d'atelier à Paris, qui fit un
procès à l'auteur et le remporta.
La
postérité de Trilby
à la scène et à l'écran est elle-même impressionnante : sous son
titre éponyme ou celui de Svengali,
on dénombre 5 adaptations du temps du cinéma muet, de 1914 à 1927
; le film américain Svengali
d'Archie Mayo, en 1931, avec John Barrymore dans le rôle-titre ; une
production anglaise en 1954, un téléfilm américain en 1983...
Jusqu'à une plus récente adaptation télévisuelle, qui met en
scène Jodie Foster en rock star, dans le rôle de Trilby...
Le
Martien (1897)
ce
dernier roman dont l'écriture avait débuté fin 1894, ne connut pas
le même succès. Publié un an après la mort de l'auteur, survenue
à 62 ans, suite a une attaque cardiaque (comme son héros Svengali).
George du Maurier ne mourut pas dans son cher Hampstead
mais à Oxford Square,
près de Hyde Park,
où sa femme et lui étaient venus inexplicablement s'installer en
1895.
Quant
aux nouvelles de George du Maurier, dont on ne connaît pas de
traduction française, elles furent éditées en 1947.
Mort
& descendance
La
descendance de George du Maurier est enfin à mentionner : il est le
père de l'acteur Gerald du Maurier et le grand-père de la
romancière Daphné du Maurier. Par ailleurs, ses petits enfants nés
de sa fille Sylvia (Llewelyn Davies) inspirèrent le roman Peter
Pan de J. M. Barrie. George
du Maurier repose au cimetière de Hampstead où se trouve inscrite
l'épitaphe suivante, qui reprend les deux dernières lignes du roman
Trilby,
sa propre traduction d'un couple de vers de Léon Monté-Naken : "A
Little trust that when we die / We reap our sowing. And so — good
bye!" ce qui peut se traduire familièrement par : "Il est
dit qu'en mourant on récolte ce qu'on a semé. Eh bien alors, salut
!
Cette
présentation de George du Maurier puise à de nombreuses sources
qu'il serait difficile d'énumérer. Cependant, dans la plupart de
ses détails biographiques, elle se réfère à l'article rédigé
par Philip V. Allignham, qui a lui-même puisé sa matière en
différents ouvrages, sur le site de Victorian Web (Faculty of
Education, Lakehead University, Thunderbay, Ontario)
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