Don Francisco de Quevedo Y Villegas, naquit à Madrid en 1580, issu d’une famille qui appartenait à la noblesse rurale, dont plusieurs membres occupaient des charges à la Cour. Par cette position, Quevedo s’intéressera toujours aux questions politiques et sociales, aux affaires publiques espagnoles. Admis en 1617 Chevalier de l’Ordre de Saint-Jacques, mais plusieurs fois banni, assigné à résidence et emprisonné, jusqu’en dernière période de sa vie, de 1639 à 1643, alors qu’il était déjà malade, ce dont il ne se remettra pas (il meurt en 1645).
Il écrivit El Sueño del Juicio final dès 1605 après s’être fait connaître comme poète et satiriste, et la postérité le retiendra justement comme tel, à travers ses Songes et discours, ses Sonnets ou son roman picaresque El Buscón (« Le Fripon », qui fit l’objet d’une dénonciation auprès de l’Inquisition) bien plus que par ses œuvres dites sérieuses (on lui doit aussi Heurs et malheurs du trou du cul, farce rabelaisienne qui fut diffusée sous le manteau et sans nom d’auteur [1]). Une première publication de Les Sueños eut lieu en 1627, sans accord explicite de Quevedo, qui comprenait cinq textes satiriques rédigés entre 1605 à 1622, sous le titre complet de Songes et Discours de Vérités qui dévoilent des Abus, des Vices, et des Tromperies, dans tous les Offices et États du Monde. Dans la postface de l’édition française, Marie Roig Miranda note que Quevedo ne « prit la responsabilité de les publier qu’en 1631, après les avoir corrigés et paganisés pour échapper à la censure de l’Inquisition ».
[…] Car je tiens pour tombé du ciel un rêve que je fis les nuits passées après m’être endormi sur un livre du bienheureux Hippolyte traitant de la fin du monde et de la seconde venue du Christ, et qui fut cause que je rêvai du jugement dernier. Et bien qu’il soit difficile de croire qu’en la maison d’un poète il y ait quelque jugement — fût-ce au cours des rêves —, il y en eut dans la mienne pour la raison que donne Claudien dans la préface au livre 2 de l’Enlèvement de Proserpine, à savoir que tous les animaux voient dans leurs rêves nocturnes comme les ombres de ce qui les a occupés pendant le jour ; et Pétrone Arbitre dit à ce propos :
Il écrivit El Sueño del Juicio final dès 1605 après s’être fait connaître comme poète et satiriste, et la postérité le retiendra justement comme tel, à travers ses Songes et discours, ses Sonnets ou son roman picaresque El Buscón (« Le Fripon », qui fit l’objet d’une dénonciation auprès de l’Inquisition) bien plus que par ses œuvres dites sérieuses (on lui doit aussi Heurs et malheurs du trou du cul, farce rabelaisienne qui fut diffusée sous le manteau et sans nom d’auteur [1]). Une première publication de Les Sueños eut lieu en 1627, sans accord explicite de Quevedo, qui comprenait cinq textes satiriques rédigés entre 1605 à 1622, sous le titre complet de Songes et Discours de Vérités qui dévoilent des Abus, des Vices, et des Tromperies, dans tous les Offices et États du Monde. Dans la postface de l’édition française, Marie Roig Miranda note que Quevedo ne « prit la responsabilité de les publier qu’en 1631, après les avoir corrigés et paganisés pour échapper à la censure de l’Inquisition ».
[…] Car je tiens pour tombé du ciel un rêve que je fis les nuits passées après m’être endormi sur un livre du bienheureux Hippolyte traitant de la fin du monde et de la seconde venue du Christ, et qui fut cause que je rêvai du jugement dernier. Et bien qu’il soit difficile de croire qu’en la maison d’un poète il y ait quelque jugement — fût-ce au cours des rêves —, il y en eut dans la mienne pour la raison que donne Claudien dans la préface au livre 2 de l’Enlèvement de Proserpine, à savoir que tous les animaux voient dans leurs rêves nocturnes comme les ombres de ce qui les a occupés pendant le jour ; et Pétrone Arbitre dit à ce propos :
Et canis in somnis leporis vestigia latrat
[Et le chien aboie qui en rêve est sur les traces du lièvre]
et parlant des juges :
Et pauidi cernunt inclusum chorte tribunal
[Et saisis de crainte, ils voient le tribunal qui tient audience]
Je crus donc voir un jeune adolescent qui allant et venant dans les airs s’époumonait dans une trompette, effort dont pâtissait un peu la beauté de ses traits. La sonnerie obtient la soumission des marbres et l’écoute des morts, et bientôt la terre entière commença à trembler et à expulser les os, qui sans délai se mirent en quête les uns des autres ; et après un temps, assez court cependant, je vis ceux qui avaient été soldats et capitaines se dresser hors de leurs sépulcres avec colère, à ce qu’ils jugeaient être un appel aux armes, les avaricieux trembler et se lamenter en croyant ouïr le tocsin, et les esclaves du plaisir et des vanités se réjouir d’une explosion sonore qui ne pouvait que signaler une chasse ou un raout. Voilà ce que je pouvais lire sur le visage de ces gens, mais je ne reconnus point que le son volât de trompe à oreille qui fût prête à l’entendre comme chose de jugement.
Puis je notai que certaines âmes ne s’approchaient qu’avec la plus grande répugnance, et que d’autres, épouvantées, fuyaient leurs corps d’autrefois. À celui-ci il manquait un bras, à celui-là un œil, et je partis à rire en observant la variété des figures et admirai la divine providence qui prenait soin, alors que tous étaient mêlés, qu’aucun par une erreur de calcul ne s’attribuât les jambes ou les bras d’un voisin. Dans un cimetière, toutefois, il me parut que l’on procédait à un échange de têtes, et qu’un greffier auquel ne plaisait guère son âme prétendait qu’elle ne lui appartenait point afin de l’écarter.