Après
le tribut des mandolines du Melonious Quartet, voilà un nouvel
ensemble de transcriptions d’œuvres du compositeur Erik Satie qui
a eu pour effet de dresser spontanément les oreilles de votre lièvre
précieux.
Erik Satie continuant à être si peu joué en public (tout au moins
en France) par les représentants de la musique dite "sérieuse",
il convient de saluer l'initiative d'artistes moins sérieux, qui en
perpétuent l'esprit fantasque, ascétique et méditatif, féroce et
moqueur.
Ce
qui n'a rien de simple, malgré les apparences, comme le confirme
Raphaël Aggéry dans le texte d'intention qui présente cette
re-création : « Les œuvres de Satie ont la singularité
d'être majoritairement écrites pour piano et certaines sont d'une
déconcertante simplicité pianistique ! Comment, dès lors, les
adapter pour cinq musiciens ? Les transcriptions que j'ai
réalisées dans le passé étaient toutes tirées d’œuvres
orchestrales et « réduites » pour notre quintette. A
l'inverse, j'ai été confronté ici à cette écriture très épurée.
Un travail conséquent d'orchestration, d'instrumentation,
d'amplification et quelquefois de composition a donc été nécessaire
pour donner un nouvel éclairage à ces magnifiques pages musicales,
sans jamais altérer le caractère originel de la musique. »
Le
programme débute avec les incontournables Gymnopédies
(1888) et Gnossiennes
(1890), et c'est la première des merveilles que d'entendre ces
sonorités aériennes qui nous emportent très haut dans les sphères
(la troisième Gnossienne
est particulièrement somptueuse par la qualité de son orchestration
et son arrangement, qui nous fait très bien sentir l'influence de
Satie sur certaines musiques répétitives, notamment celle de
l'américain Steve Reich).
L'humeur
malicieuse du compositeur pointe ensuite son nez dans les trois
pièces des Airs
à faire fuir
(1897), la majorité des arrangements se concentrant sur la période
dite "humoristique" de Satie. Nous continuons ainsi,
dans une voie chronologique et fantaisiste, avec les 3 Véritables
préludes flasques (pour un chien)
de 1911 et un ensemble de pièces écrites en 1913 : Descriptions
automatiques,
toujours conçues par 3, incluant des citations de chansons
populaires et enfantines, pièces faussement légères, imprégnées
de mélancolie ; 7 pièces extraites du Piège
de Méduse, la
seule comédie lyrique en 1 acte écrite par Satie, d'une bizarrerie
cruelle (que Michel Sanouillet estimait appartenir à la
« préhistoire du mouvement Dada » et qui annonce aussi
le théâtre de l'absurde de Ionesco).
Croquis
et Agaceries d'un gros bonhomme en bois
et Embryons
desséchés
(toujours portées par le chiffre 3) qui sont incontestablement des
modèles de perfection funambulesque, de fausse désinvolture et
suprême dérision - à pleurer de rire dans la grande pompe des
finales...
Le
plat de résistance, ce sont bien entendu les miniatures drolatiques
de Sports et divertissements (1914), introduites ici
par la voix de Bardassar Ohanian, où Satie nous offre une série de
tableaux musicaux très expressifs (à voir et à entendre, donc, en
portant si possible un œil au graphismes des partitions de Satie).
Après
cet ensemble plus enjoué se placent les Cinq
grimaces pour le songe d'une nuit d'été
(1915), d'après l'orchestration de Darius Milhaud, et tout ce beau
travail se termine par la fameuse Sonatine
bureaucratique
(1917).
Que
dire d'autre ? Que ce disque, qui n'est pas seulement à conseiller
aux amoureux de Satie, présente un généreux programme d'une durée
de 75 minutes et qu'il a été enregistré en juin 2012 par les
musiciens du Quintette de Percussions Claviers de Lyon, qui comprend
: Sylvie Aubelle, YingYu Chang, Jérémy Daillet, Gilles Dumoulin et
Gérard Lecointe.