Le lapin-pochon est un animal assez enjoué qui se déplace au
gré du vent, espèce familière dont on annonce cependant régulièrement la
disparition. On le rencontre un peu partout, son corps mouvant s’adapte à tous
les terrains, lui permettant de s’accrocher aux grilles, se suspendre aux
branches des arbres et arbustes, mais aussi se coller au sol et s’y enfouir, le
plus souvent dans les zones de détritus. Présent en campagne aussi bien qu’en
ville, en plaine, en montagne, à la plage et même dans les fonds marins, le
lapin-pochon s’accompagne généralement d’une harde, les uns sont transparents
tandis que certains autres portent un pelage opaque, de couleurs variées, estampillés
de marques diverses (qui soulignent leur appartenance à des grands centres de
lapin-pochonneries). Le Lapin-pochon a une durée de vie assez longue, mais
n’oppose en principe qu’une faible résistance au chasseur. C'est même une proie facile pour les véritables "nettoyeurs" qui se voient parfois en groupes organisés, munis d’ustensiles préhensiles et
gants de protection. Est-ce à dire que le lapin-pochon est dangereux ? Non,
il n’est pas méchant en soi, mais indirectement par son contenu car il se
nourrit de matières parfois dangereuses pour l’homme, d’aliments avariés, de
produits toxiques. Il vaut mieux donc vérifier, avant capture, que son ventre
soit vide. Toutefois, l’animal est encore largement utilisé et recherché pour
sa peau étanche et légère, simple à porter, qui reste d’un bon rapport
qualité-prix. Bien qu’il puisse s’adapter à la vie sauvage, on peut dire que
le lapin-pochon fait partie des animaux domestiqués depuis de longues décennies
(c’est un animal jeune, à l’échelle temporelle des autres animaux et celle de
l’humanité). Certaines personnes ont une tendresse particulière pour les
lapin-pochons, les gardant au chaud dans un panier, dans un placard, un
quelconque abri. L’un d’eux parfois disparaît (mais ils se reproduisent assez
rapidement) tandis que d’autres peuvent jouir d’une longue existence, jusqu’à fatal
émiettement. Au sujet de celle-ci, elle s’oppose à ce que nous considérons
comme une vie "bien remplie". En effet, et c’est là une règle
absolue, pour préserver son existence, le lapin-pochon se doit de rester en état
de jeûne : aussitôt gavé (de matières diverses, comme nous l’avons dit, et rarement nobles),
il cesse d’intéresser et se voit rapidement détruit. On fait habituellement
sacrifice de lapin-pochons le soir, en les stockant dans des conteneurs, où des
prêtres revêtus d'habits fluorescents sont chargés de les exterminer sans ménagement.
Suivant la tendance humaine des rites funéraires, on se refuse de plus en plus à l’enfouissement de
leur corps, préférant l’incinération. Preuve que le lampin-pochon est un
compagnon fidèle de l’homme, dans la vie comme dans la mort.
La symbolique, pas plus que les croyances populaires, ne font de différence entre le lièvre et le lapin. Pour certaines civilisations anciennes, le lièvre était un « animal de la lune » car les taches sombres que l’on peut voir sur le disque lunaire ressemblent à un lièvre en pleine course.
Encyclopédie des symboles (sous la direction de Michel Cazenave, La Pochothèque,1996)
auteur-éditeur : www.remy-leboissetier.fr
vendredi 16 septembre 2011
mardi 13 septembre 2011
Univers Zero
Après 33 ans, le chaudron du groupe Univers Zéro n’en a pas fini de
bouillir, malgré une période de refroidissement de 13 années, entre 1986 et
1999. Formation belge d’origine contrôlée, fondée par Daniel Denis et Claude Deron,
Univers Zéro sort son premier album
éponyme, entièrement autoproduit, en 1977 (rebaptisé 1313 depuis). L’album Clivages,
sorti tout chaud des fourneaux en 2010, est leur opus 13.
13 est assurément leur chiffre. Et on ne serait pas étonné
que leur jour de prédilection soit le vendredi (votre lièvre précieux constate par ailleurs que ce message est posté un 13 septembre et que le magazine Atem, paru en 1978 avec la photo du groupe en couverture, est le N°13).
Qu’y a-t-il donc dans la marmite d’Univers Zéro ? Une
curieuse mixité et diversité d’ingrédients. La musique de UZ surprend, comme
beaucoup d’autres nées de cette époque, par un déplacement des
genres : nourrie par un certain "modernisme classique" hérité
de Stravinsky et Bartok, entre autres, et de multiples influences hétérogènes (dont certaines
références pionnières du rock dit "progressif" :
Soft Machine, Gong, ainsi que d’autres tendances contemporaines innovantes : Can,
Heldon, King Crimson, Magma, Zappa, The Residents, auxquelles il convient d’ajouter des
emprunts à l’electric jazz, mais aussi aux musiques traditionnelles de l'Europe…) Le groupe impose
rapidement l’empreinte originale d’un mélange qui apparaît lourd et néanmoins subtil. Contributeur de Rock in opposition, mouvement de "dissidence" formé par Fred Frith et Chris Cutler de Henry Cow, avec le support d’autres
groupes comme Etron Fou Leloublan, Stormy Six, Art Zoyd, Samla Mammas Manna,
Art Bears…), Univers zéro
entretient à ses débuts une image trouble, inquiétante : ses membres
apparaissent vêtus sobrement et sombrement. Nul sourire n’affleure : tous
munis de lunettes noires, ils posent dans un décor de désolation post-industrielle. Mais il faut
gratter un peu pour découvrir derrière l’aspect funèbre un humour qui doit sa
couleur noire dominante à une forme assez caractéristique de Belgique, misant
sur la surcharge (une fantaisie pivotante, à 360 degrés, qui se reconnaît dans d'autres arts, comme dans le théâtre baroque de Ghelderode). Certains titres laissent entendre cette
qualité-là, qui est plus un jeu d’apparences que l’expression d’une vraie
désespérance.
Mixité sonore, donc, avec l’utilisation progressive puis dominante
– due en grande part à Michel Berckmans - d’instruments acoustiques rarement utilisés
dans le milieu rock dont Univers zéro fait partie (même si en opposition) :
hautbois, basson, cor, clarinette, harmonium, clavecin, violon et violoncelle
en y joignant des instruments rock "classique" (basse, guitare
électriques). Mais c’est surtout l’apport personnel de Daniel Denis (batterie, percussions)
qui retient : la forte présence du rythme (jamais martelé, toujours fantasque, inventif) apporte une énergie nouvelle et inaccoutumée à ce type de
formation (que certains qualifièrent de chamber
rock), une tension dramatique qui s’écarte à la fois des codes
étriqués du rock et des conventions de la musique classique et qui en propose dans le même temps une formule fusionnelle de haute densité. Les compositions, surtout parmi les
plus anciennes, contreviennent à
l’habituel format pop-rock, tant en durée qu’en structure : elles instaurent un climat autour de thèmes obsédants, entrecoupés
de ruptures, bifurcations... Bien que complexe, on a la sensation, à l’écoute
de cette musique, assurément complexe dans son organisation, d’assister en
direct à son propre développement.
En 1986, Univers Zero semble avoir fini sa route. Daniel
Denis suit alors la sienne (avec deux productions en son propre nom) et rejoint
le groupe Art Zoyd qu’il va accompagner pendant 7 ans.
Et puis, en 1997, Univers Zero se reforme temporairement, avec son fondateur Daniel Denis, Andy Kirk et Guy Segers (présent dès
1979). Enfin, c’est le retour de Michel Berckmans, qui marque la renaissance d’un groupe
permanent.
De toutes les productions, il est difficile de faire la part entre
l’ancien et le nouveau, même si la forme musicale a bien sûr évolué en fonction
des changements de personnel. Cependant, mon conseil serait d’aller à la fois
vers l’un et vers l’autre, par convergence : le troisième album Ceux du dehors (1981) semble une bonne porte d’entrée et on peut
aussi s’intéresser au nouveau CD Clivages. Prudence, toutefois : si Hérésie (1979) a bénéficié d’une récente
réédition, ce n’est pas le cas d'autres disques, dont Uzed et Heatwave, qui commencent à se raréfier...
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