Soma
est le calice
d'ambroisie divine que boivent les dieux et les ancêtres et qui
s'emplit à nouveau de lui-même. La substance lunaire est faite de
tout ce qui est doux, gracieux, soumis : l'offrande, la victime, le
combustible du sacrifice ainsi que le sperme, la semence de vie.
Soma
est depuis toujours assimilé en Inde à l'élixir de vie,
d'immortalité. La Lune est considérée pour cette raison comme le
souverain des sphères suprasolaires, les Nakshatra
(Constellations).
Lorsque
les dieux partagèrent la liqueur d'immortalité, la Lune reconnut
l'anti-dieu Râhu, déguisé en dieu, qui s'apprêtait à boire.
C'est à cause de la Lune que Râhu fut condamné à mort, mais bien
que sa tête ait été séparée de son corps, elle ne pourra jamais
cesser de vivre car ses lèvres avaient touché la liqueur
d'immortalité. Cette tête reste donc en vie, et par vengeance,
chaque fois que la Lune est pleine, Râhu cherche à la dévorer.
C'est la légende des éclipses (1).
Car
le soleil est le principe de la vie et les eaux primordiales sont la
Lune. Ces eaux sont la source de tout, de ce qui est visible et
invisible. Les eaux sont l'image du tout (2).
La
Lune est également le lieu où résident les âmes errantes avant de
descendre sur terre ; c'est aussi, en tant que "réserve des
pluies", le dieu protecteur de la nature et de la vie végétale.
Bien
que du point de vue de la Création, la Lune soit née la dernière,
qu'elle soit le monde le plus bas, il se trouve qu'elle encercle la
Terre, et que du point de vue de la réintégration, du point de vue
de l'esprit libéré qui veut échapper au monde terrestre, la sphère
lunaire, qui est la sphère du mental, sépare le monde physique, la
Terre, de la sphère solaire faite de lumière et d'intelligence. Il
nous faut traverser la sphère du mental avant de pouvoir atteindre
le Soleil, le monde de la vérité, la porte des mondes transcendants
(3).
(1)
Devatâ
tattva.
(2)
Prashna
Upanishad, 1, 5.
(3)
Prashna
Upanishad, 1, 5.
Bernard
Baudouin, Le védisme (éditions de Vecchi, Paris, 1997).
"Les
littératures indiennes affectionnent le thème de la lune ; pas de
poème lyrique, pas de chanson populaire où elle n'apparaisse comme
le témoin des amants, leur complice, elle dont la lumière argente
l'étang où fleurissent les lotus."
Le
nombre d'évocations de clairs de lune, de l'abondance des images
lunaires est en effet frappant, et certes le climat tropical a sans
doute une influence sur l'astre des nuits, qu'on accueille avec
plaisir après l'épuisante chaleur du jour. Les Indiens la
chérissent, au point de tirer les lits sur les terrasses et de
dormir sous le "regard" de la lune. L'astre nocturne tient
donc une place privilégiée dans la mythologie et le rituel.
Toutefois, il serait hasardeux de parler d'un culte de la lune en
Inde. Ceci étant, on peut s'intéresser au dieu-Lune en tenant
compte d'abord de sa représentation :
On
le voit en général sous la forme d'un jeune guerrier montant une
antilope et tenant en main une bannière où figure un lièvre.
Divinité mineure, on lui prête les attributs de Çiva avec lequel
il est plus ou moins en sympathie, Vishnu étant pour sa part une
figure plutôt "solaire". Quant à sa dénomination, le
dieu-Lune n'en a pas, à proprement parler : on ne l'appelle que
"lune" (en sanskrit, Candra, substantif de genre masculin).
Mythologie
lunaire
Le
dieu-Lune possède une personnalité mythologique qui, bien que
d'importance très secondaire, donne matière à plusieurs légendes.
Concernant sa nativité, le dieu-Lune appelé Soma (dans le temps du
védisme et non de l'hindouisme), un texte servant de conclusion à
l'épopée du Mahâ Bhârata, illustre son rôle fécondant : La lune
identifiée avec le Soma (source d'immortalité) est "semence"
ou "nourriture" des dieux. Le dieu-Lune, après sa
naissance, a été fait par Brahmâ roi du monde végétal.
Rites
lunaires
La
lune occupe dans la vie religieuse indienne une place qui est sans
commune mesure avec le rôle effacé joué par le dieu Candra
(prononcer Tchandra) dans la mythologie. Il n'est pas de cérémonie
rituelle qui ne soit réglée par référence aux phases de la lune,
à ses conjonctions ou oppositions avec tel astre, telle
constellation. En un mot, le temps liturgique hindou est purement
lunaire.
Lorsqu'elle
est visible, la lune est la protectrice nocturne de tous les êtres
vivants ; les nuits sans lune, l'homme est sans défense devant les
démons qu'évoque l'Atharva-Veda :
"Ceux-là
qui nous poursuivent dans nos chambres, cependant que les hurlements
vont leur train, durant le nuit de nouvelle lune ; et tous les autres
carnassiers qui rêvent de nous dévorer ; tous ceux-là je les
surpasse de ma puissance !"
En
conclusion, la question du rôle que joue la lune dans les religions
de l'Inde est ardue. Le Rig-Veda fait la plus grande place au soleil
et très peu à la lune ; de même, lorsque la religion védique aura
laissé place à l'hindouisme, les Purâna contiendront également de
nombreux hymnes au Soleil, sans contrepartie pour la Lune. le
brahmanisme, tant védique qu'hindou, est décidément, dans son
essence une religion "solaire".
Sources
orientales : La lune - Mythes et rites (éditions du Seuil, Paris,
1962).
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