La symbolique, pas plus que les croyances populaires, ne font de différence entre le lièvre et le lapin. Pour certaines civilisations anciennes, le lièvre était un « animal de la lune » car les taches sombres que l’on peut voir sur le disque lunaire ressemblent à un lièvre en pleine course.

Encyclopédie des symboles (sous la direction de Michel Cazenave, La Pochothèque,1996)


auteur-éditeur : www.remy-leboissetier.fr

samedi 5 avril 2014

SOMA et la Lune [Inde]

Soma est le calice d'ambroisie divine que boivent les dieux et les ancêtres et qui s'emplit à nouveau de lui-même. La substance lunaire est faite de tout ce qui est doux, gracieux, soumis : l'offrande, la victime, le combustible du sacrifice ainsi que le sperme, la semence de vie.

Soma est depuis toujours assimilé en Inde à l'élixir de vie, d'immortalité. La Lune est considérée pour cette raison comme le souverain des sphères suprasolaires, les Nakshatra (Constellations).

Lorsque les dieux partagèrent la liqueur d'immortalité, la Lune reconnut l'anti-dieu Râhu, déguisé en dieu, qui s'apprêtait à boire. C'est à cause de la Lune que Râhu fut condamné à mort, mais bien que sa tête ait été séparée de son corps, elle ne pourra jamais cesser de vivre car ses lèvres avaient touché la liqueur d'immortalité. Cette tête reste donc en vie, et par vengeance, chaque fois que la Lune est pleine, Râhu cherche à la dévorer. C'est la légende des éclipses (1).
Car le soleil est le principe de la vie et les eaux primordiales sont la Lune. Ces eaux sont la source de tout, de ce qui est visible et invisible. Les eaux sont l'image du tout (2).
La Lune est également le lieu où résident les âmes errantes avant de descendre sur terre ; c'est aussi, en tant que "réserve des pluies", le dieu protecteur de la nature et de la vie végétale. Bien que du point de vue de la Création, la Lune soit née la dernière, qu'elle soit le monde le plus bas, il se trouve qu'elle encercle la Terre, et que du point de vue de la réintégration, du point de vue de l'esprit libéré qui veut échapper au monde terrestre, la sphère lunaire, qui est la sphère du mental, sépare le monde physique, la Terre, de la sphère solaire faite de lumière et d'intelligence. Il nous faut traverser la sphère du mental avant de pouvoir atteindre le Soleil, le monde de la vérité, la porte des mondes transcendants (3).

(1) Devatâ tattva.
(2) Prashna Upanishad, 1, 5.
(3) Prashna Upanishad, 1, 5.

Bernard Baudouin, Le védisme (éditions de Vecchi, Paris, 1997).

"Les littératures indiennes affectionnent le thème de la lune ; pas de poème lyrique, pas de chanson populaire où elle n'apparaisse comme le témoin des amants, leur complice, elle dont la lumière argente l'étang où fleurissent les lotus."
Le nombre d'évocations de clairs de lune, de l'abondance des images lunaires est en effet frappant, et certes le climat tropical a sans doute une influence sur l'astre des nuits, qu'on accueille avec plaisir après l'épuisante chaleur du jour. Les Indiens la chérissent, au point de tirer les lits sur les terrasses et de dormir sous le "regard" de la lune. L'astre nocturne tient donc une place privilégiée dans la mythologie et le rituel. Toutefois, il serait hasardeux de parler d'un culte de la lune en Inde. Ceci étant, on peut s'intéresser au dieu-Lune en tenant compte d'abord de sa représentation :
On le voit en général sous la forme d'un jeune guerrier montant une antilope et tenant en main une bannière où figure un lièvre. Divinité mineure, on lui prête les attributs de Çiva avec lequel il est plus ou moins en sympathie, Vishnu étant pour sa part une figure plutôt "solaire". Quant à sa dénomination, le dieu-Lune n'en a pas, à proprement parler : on ne l'appelle que "lune" (en sanskrit, Candra, substantif de genre masculin).

Mythologie lunaire

Le dieu-Lune possède une personnalité mythologique qui, bien que d'importance très secondaire, donne matière à plusieurs légendes. Concernant sa nativité, le dieu-Lune appelé Soma (dans le temps du védisme et non de l'hindouisme), un texte servant de conclusion à l'épopée du Mahâ Bhârata, illustre son rôle fécondant : La lune identifiée avec le Soma (source d'immortalité) est "semence" ou "nourriture" des dieux. Le dieu-Lune, après sa naissance, a été fait par Brahmâ roi du monde végétal.

Rites lunaires

La lune occupe dans la vie religieuse indienne une place qui est sans commune mesure avec le rôle effacé joué par le dieu Candra (prononcer Tchandra) dans la mythologie. Il n'est pas de cérémonie rituelle qui ne soit réglée par référence aux phases de la lune, à ses conjonctions ou oppositions avec tel astre, telle constellation. En un mot, le temps liturgique hindou est purement lunaire.
Lorsqu'elle est visible, la lune est la protectrice nocturne de tous les êtres vivants ; les nuits sans lune, l'homme est sans défense devant les démons qu'évoque l'Atharva-Veda :

"Ceux-là qui nous poursuivent dans nos chambres, cependant que les hurlements vont leur train, durant le nuit de nouvelle lune ; et tous les autres carnassiers qui rêvent de nous dévorer ; tous ceux-là je les surpasse de ma puissance !"

En conclusion, la question du rôle que joue la lune dans les religions de l'Inde est ardue. Le Rig-Veda fait la plus grande place au soleil et très peu à la lune ; de même, lorsque la religion védique aura laissé place à l'hindouisme, les Purâna contiendront également de nombreux hymnes au Soleil, sans contrepartie pour la Lune. le brahmanisme, tant védique qu'hindou, est décidément, dans son essence une religion "solaire".

Sources orientales : La lune - Mythes et rites (éditions du Seuil, Paris, 1962).

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