Assurément,
les voyages à la Lune sont nombreux, si nombreux qu'il est
impossible de les saisir intégralement. Votre lièvre
précieux s'y est néanmoins
essayé et vous a fait part de son recensement, lequel débute à
Plutarque (vers 75-83 de notre ère) et s'arrête symboliquement à
l'année 1969, lorsque certaines images nous firent comprendre que la
Lune était en quelque sorte "colonisée". Les "Récits
de Belzébuth", publiés en 1976, dérogeraient donc à la
règle, s'ils n'étaient en vérité bien antérieurs à leur date de
publication : plus précisément, à propos des faits qu'il porte à
notre connaissance par la voie de son medium Belzébuth, le "Maître
de danse" Gurdjieff, par ailleurs grand voyageur, ne peut
physiquement les avoir écrits que dans les années qui suivirent un
grave accident de voiture survenu en 1924, date à laquelle il dut
changer l'orientation de ses activités et choisir la voie littéraire
pour son enseignement. Par ailleurs, le corps conscient de l'auteur
ayant disparu du monde visible le 29 octobre 1949, selon les sources
officielles, nous pouvons en déduire (et affirmer catégoriquement)
que ces découvertes ne sauraient excéder cette année-là. Nous
pouvons donc, dans notre classement actuel, intégrer cette relation
de voyage entre messieurs Andrei Platonov et Arthur C. Clarke, ce qui
permet de combler fort à propos une impardonnable lacune.
"Dans
ce système solaire se trouve encore, mon cher enfant, une toute
petite planète qui porte le nom de "Lune".
Dans
son mouvement, elle passait très près de notre planète "Mars"
et, à travers le "tesskuâno" (1)
de mon observatoire, je prenais plaisir à suivre, pendant des
"kilprenos" (2)
entiers, le processus d'existence des êtres tri-cérébraux qui la
peuplaient.
Les
êtres de cette planète ont un corps très frêle, mais disposent
d'un esprit puissant, qui leur confère une persévérance et une
faculté de travail exceptionnelles.
Leur
forme extérieure évoque celle des grandes fourmis ; comme elles,
ils s'affairent et travaillent continuellement à la surface et à
l'intérieur de leur planète.
Leur
incessante activité a déjà donné des résultats bien visibles.
Je
constatai même un jour que dans l'espace de deux de nos années ils
avaient pour ainsi dire "perforé" toute leur planète.
Ils
avaient été contraints à ce travail par des conditions
atmosphériques anormales, dues à la façon inopinée dont leur
planète avait surgi, et au fait que les Forces Supérieures
n'avaient pas prévu de régulariser son harmonie climatique.
Ce
climat, disons-le, est réellement "fou", et rendrait des
points, par son inconstance, aux femmes hystériques les plus
fougueuses d'une planète de ce système solaire, dont je te parlerai
également.
Sur
cette "Lune", le froid est parfois si vif que tout y gèle
de part en part, et qu'il y devient impossible de respirer en
atmosphère ouverte ; puis, tout à coup, il y règne une telle
chaleur qu'un œuf y cuit en un clin d’œil.
Mais
au cours de deux brèves périodes, avant et après la fin d'un tour
complète autour d'une planète voisine, il y fait un temps si divin
qu'au bout de quelques oscillations elle est en pleine floraison.
Elle donne alors à ses habitants quantité de produits servant à
leur première nourriture êtrique, bien plus qu'il n'en faut pour
leur existence dans l'original empire intra-planétaire qu'ils se
sont organisé à l'abri des intempéries de ce "fou" de
climat, qui ne modifie jamais harmonieusement l'état de son
atmosphère.
Chapitre
3 : Cause d'un retard dans la chute du Karnak, extrait
(1)
"Tesskuâno" signifie "télescope".
(2)
Le mot "kilpreno", dans le langage de Belzébuth, désigne
un certain laps de temps, à peu près égal à ce que nous appelons
"une heure".
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