L'académisme
et l'allumage du feu
Car,
qu'est-ce que l'académisme, enfin ? N'est-ce qu'un style, un
défaut, un manque ? Non, l'académisme, c'est l'esthétique du
nihilisme (et le refuge des non-dupes professionnels). Cela n'a rien
à voir, on s'en doute, avec l'optimisme et le pessimisme.../...
L'académisme (oui, celui-là même qui revient de partout et qui
nous donne le sale sentiment d'un retour aux « cinémas de
qualité » des années cinquante) n'est jamais que le sérieux
désabusé avec lequel on adopte la forme la plus traditionnelle et
la plus usée pour signifier par là qu'aucun contenu ne mérite
d'être travaillé par le souci d'une forme nouvelle. C'est une
démission certes, mais quant au fond aussi.
Entre
ces deux entités qu'il s'en voudrait de bousculer (le « grand
livre » à adapter et le « grand public » à
édifier), l'académisme maintient la distance (comme on dit « garder
ses distances »). Le public est seulement pris à témoin d'une
opération impeccable qui le concerne vaguement mais ne l'implique
jamais.
…/...
Quand on ne veut pas du tout « jouer » avec son public,
on n'arrive même plus – c'est normal – à lui raconter une
histoire.../... Un cinéaste, surtout lorsqu'il s'affronte à un
« grand sujet », c'est quand même quelqu'un qui allume
un feu entre son film et nous. Pour nous réchauffer, pour jouer
avec, pour mériter le risque de s'y brûler. Enlevez ce risque et le
cinéma devient une pauvre chose. Décente et morte.
Chronique
du 15 novembre 1984, à propos de 1984 de Michael Radford adapté
de 1984 de George Orwell.
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