1/Diego
Torres Villaroel (1693-1770) : Viaje
fantastico del Gran Piscator de Salamanca, 1724
Né
en 1694 à Salamanque, dans un milieu de petits boutiquiers, dont de
nombreux libraires. Très vite s'éveille en lui une vocation
littéraire qui se manifeste d'abord par le pastiche (Góngora et
Quevedo sont ses modèles préférés), et un goût prononcé pour de
turbulentes mystifications qui le conduiront à plusieurs reprises à
prendre le large. Il est attiré aussi par les mathématiques et
l'astrologie, matières qu'il enseignera à partir de 1726 à
l'Université de Salamanque. Dès 1718, il publie un almanach qui
fera de lui El Cran Piscator de Salamanca, le plus célèbre
pronostiqueur de la péninsule.
Principalement
connu pour une autobiographie qui s'échelonne de 1743 à 1758,
Torres de Villaroel débute par l'écriture romanesque, qui lui offre
une échappée vers l'imaginaire. Parmi ses œuvres de pure fiction,
outre El
viaje fantástico del Gran Piscator de Salamanca (1721),
citons El
correo del otro mundo al (gran Piscator de Salamanca (1725),
El
ermitaño y Torres (1726),
Visiones
y visitas de Torres con Don Francisco de Quevedo por la Corle
1727-28),
La
barca de Aqueronte (1731).
Dans
le Voyage
fantastique – largement
inspiré de l'Iter
extaticum de
Athanasius Kircher – il sert de guide, à travers les espaces
terrestres et interstellaires, à une troupe d'élèves zélés et
attentifs. Il est celui qui sait ; nouveau Cyrano, il décrit à ses
étudiants émerveillés et inquiets la mécanique du cosmos.
Extrait
de Diego
Torres Villaroel - Une autobiographie permanente,
Guy Mercadier (université
de Provence)
2/Captain
Samuel Brunt (pseudonyme) :
A voyage to Cacklogallinia, with a Description of the Religion,
Policy, Customs and
Manners,
of that country,
1727
Ce
bref roman est conforme à l'image de beaucoup de voyages lunaires
d'avant le 19e siècle : plein d'une satire mordante, de hautes
aventures et de railleries relevant d'un profond mépris pour tout ce
qui a trait à la science. Sous le pseudonyme de Capitaine Samuel
Brunt, le héros est emporté un jour sur la lune par les étranges
habitants du pays de Cacklogallinia : des gallinacés géants et
intelligents...
L'ouvrage,
écrit sous le pseudonyme du capitaine Samuel Brunt et que l'on
attribue quelquefois à Swift, raconte que les habitants de
Cacklogallinia, endettés et démunis, décidèrent d'envoyer sur la
Lune un émissaire afin d'y trouver de l'or et de l'argent.
Un
curieux frontispice gravé en taille-douce montre le député
confortablement installé dans un palanquin tiré et escorté par des
coqs géants, s'envolant à destination de la Lune.
3/Ralph
Morris :
A Narrative Life and Astonishing Adventures of John Daniel, 1751
John
Daniel, un forgeron de Royston, subit continuellement les avances de
sa voluptueuse belle-mère. Pour éviter d'en arriver à une fâcheuse
situation qui le mettrait en conflit avec son père, John s'embarque
à destination des Moluques. En route, le bateau fait naufrage et les
seuls survivants sont John Daniel et une autre personne qui s'avère
être une femme déguisée en homme. John
et cette femme – nommée Ruth – se sont échoués sur une île
inconnue et inhabitée, quelque part près de Java. L'eau fraîche,
le gibier s'y trouvent en abondance, ainsi que des abris naturels,
c'est pourquoi John et Ruth nomment le lieu Île de la Providence. Le
couple organise leur propre cérémonie de mariage et commence à
avoir des enfants...
Les
années passant, nos deux héros ont six fils et cinq filles. Comme
chaque navire approchant de la côte subit un naufrage qui ne laisse
aucun survivant, la famille abandonne tout espoir de sauvetage. Ayant
atteint la puberté, cinq des fils et cinq des filles se sont mariés
entre eux. Le fils resté célibataire, Daniel (Daniel Daniel),
possède un don d'invention et fabrique une machine volante. Sa forme
générale ressemble à l'un de nos aéroplanes mais les ailes,
faites de cuir, sont munies de tubes de métal et actionnées par une
pompe.
John
insiste pour accompagner son fils à l'exercice d'envol de son
« aigle mécanique ». La machine volante fonctionne aussi
bien et même mieux que son inventeur pouvait l'espérer. L'engin est
si solide et rapide qu'il finit par emporter le père et le fils et
les mener jusqu'à la Lune.
La
Lune – comme dans la plupart des ouvrages de proto-science-fiction
– possède une atmosphère respirable, des forêts, montagnes et
océans. Les habitants sont de très minces humanoïdes pourvus de
fourrure. Ce peuple lunaire cultive un arbre dont les feuilles
peuvent se mâcher et subvenir ainsi à la faim et la soif. John et
Daniel font une grande provision de ces feuilles et reprennent leur
vol vers la Terre.
Nos
aventuriers dévient de leur trajectoire et atterrissent par erreur
sur une île au large de l'Atlantique sud. Sur cette île, ils
rencontrent une tribu de mutants dotés de mains et pieds palmés.
Tous les membres de cette tribu sont issus de l'union d'une femme
humaine et d'une créature marine satyriasique, vaguement humanoïde.
La tribu parle l'anglais comme leur mère et se révèlent très
accueillants. Leur conformation leur permet de nager plus vite que
les humains et d'attraper facilement du poisson pour se nourrir.
John
et son fils retournent à leur machine pour s'envoler à nouveau,
mais le contrôle de ce puissant engin est toujours difficile et
cette fois, le duo finit par atterrir en catastrophe en Laponie. John
et Daniel consulte un chamane qui leur dit que Ruth est morte et
qu'une guerre civile a dévasté l'île paradisiaque, faisant périr
leurs nombreux enfants et petits-enfants.
Les
deux héros essaient de retrouver le chemin de l'île de la
Providence, mais le fils Daniel meurt dans un accident. John Daniel,
sous le coup de ce mauvais sort, est un homme brisé. Installé en
Angleterre, il y mourra après avoir raconté ses aventures à Ralph
Morris, l'auteur de cette histoire.
5/Emmanuel
Swedenborg (1688-1772) : Les
merveilles du ciel et de l’enfer et des terres planétaires et
astrales, 1786
« L’une
des assertions les plus originales de l’extatique de Stockholm est
ce passage à propos des habitants de la Lune, qui parlent d’autant
plus fort qu’ils sont insignifiants. « Leur voix, poussée de
l’abdomen comme une éructation, produit un bruit semblable à
celui du tonnerre. Je perçus que cela venait de ce que les habitants
de la Lune parlent, non pas du poumon, comme les habitants des autres
Terres, mais de l’abdomen, au moyen d’un certain air qui s’y
trouve resserré ; et cela parce que la Lune n’est pas
entourée d’une atmosphère de même nature… J’ai été
instruit que les Esprits de la Lune représentent dans le Très-Grand
Homme le cartilage scutiforme ou xiphoïde auquel par devant sont
attachées les côtes, et d’où descend la bandelette blanche qui
est le soutien des muscles de l’abdomen.
(Camille
Flammarion, Les
mondes imaginaires,
§ 11)
Ajoutons
à cette description que les habitants de la Lune ont la taille d'un
enfant de sept ans, mais avec un « corps plus formé et plus
robuste », qu'ils ressemblent enfin à des Nains.
6/Filippo
MORGHEN (1730-1807) :
Dix gravures fantastiques, tirées de l’œuvre John Wilkins et
publiées sous le titre Life
on the moon in 1768
(Naples, c. 1770)
Graveur
florentin d'origine allemande, parti à Naples sur l'invitation de
Charles de Bourbon. À la demande de Sir William Hamilton, il réalisa
cette série de gravures composées sur la base du texte original de
John Wilkins (1614-1672) Le
monde dans la lune,
divisé en deux livres, entre 1638 et 1640 et dont l'édition
complète est publiée en 1656.
7/Alexis-Jean
Le Bret (1693-1779) : La
nouvelle Lune – Histoire de Pœquilon, 1770
Le
génie tutélaire de la Lune, Sélénos accorde à Poequilon, lors de
sa naissance sur cet astre, à Verticéphalie, capitale de l’Empire
du même nom, le don de pouvoir, dès l’âge de 14 ans, réaliser
tous ses vœux, sous réserve de 3 conditions : il ne pourra pas
souhaiter s’approprier le bien d’autrui ; et deux années au
moins devront s’écouler entre un vœu exaucé et le suivant.
Poequilon
demande et obtient à l’âge de 14 ans une montagne d’or. Il la
dépense vite, et, sur le conseil de l’alchimiste Chrysope, il
demande et obtient 2 ans plus tard la pierre philosophale qui lui
permettra désormais d’avoir toujours à sa disposition autant d’or
qu’il en voudra. Sa nouvelle opulence ayant peuplé son sérail de
maîtresses sans nombre, il formule dès qu’il le peut son
troisième vœu : la fontaine de Jouvence. Soudainement rajeuni
il n’est plus reconnu de personne et notamment des gardiens de son
sérail, qui, pour se prémunir contre les exigences que sa nouvelle
jeunesse lui font manifester, le réduisent à la nature et aux
fonctions des eunuques.
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