Madeleine
Petit commence par rappeler "combien sont grandes les
difficultés de trouver des textes concernant un dieu lunaire en
Israël, alors que nous savons que le monothéisme auquel il est
arrivé [...] s'est efforcé de supprimer tout ce qui aurait pu
l'entacher."
Les
Hébreux nomades, lorsqu'il arrivèrent en conquérants à Canaan se
trouvèrent en face d'un peuple sédentaire, avec une tradition
religieuse bien établie. Ces épisodes qui figurent la préhistoire
du peuple hébreu sont à aller chercher dans les documents araméens.
Les Araméens, étaient issus des mêmes régions, cousins par la
race et par la langue (les Hébreux revendiquent leur appartenance à
une race et une origine communes : d'après la plus vieille tradition
de la Bible, la Mésopotamie araméenne était la patrie d'Abraham.
Sara, Rebecca, Léa et Rachel étaient des Araméennes.)
Quels
sont les témoignages du culte lunaire chez les Araméens ?
Nomades
et guerriers, "les Araméens partent, comme les Hébreux, de
l'Euphrate." Fondateurs d'états, leur puissance est grande et
au Ve siècle, l'araméen est la langue des chancelleries, de
l'Euphrate à l'Egypte. Leur première grande étape, partant d'Our
en Chaldée, fut Harran. De nombreux textes assyriens et babyloniens
permettent de vérifier qu'ils "établirent comme dieu de Harran
le dieu Sin, ce dieu-lune qui nous est déjà connu (voir Anatolie)
dans une grande partie du proche et moyen Orient.
Une stèle retrouvée près d'Alep mentionne Sahar, nom araméen du dieu-lune, ainsi qu'une autre située à Nérab, sur laquelle est mentionnée sa généalogie : Sahar possède un temple à Nérab et "nous voyons que non seulement le culte du dieu-lune se maintient chez les Araméens mais qu'il s'installe dans les pays conquis, et que des sanctuaires sont bâtis pour son culte. Le croissant lunaire le symbolise. C'est un dieu bienveillant et protecteur, qui accorde longue vie, prospérité, nombreuse descendance à ses fidèles et, lorsqu'ils sont morts, protège leur sépulture."
"L'évolution religieuse des Hébreux sera toute différente, mais il était nécessaire d'esquisser celle des Araméens, afin de mieux éclairer le milieu contre lequel les partisans du monothéisme eurent à lutter."
Lutte
d'Israël contre les cultes astraux
Israël
devint dans le monde antique le champion du monothéisme, mais pour
s'imposer il eut à lutter contre le polythéisme ambiant de Canaan
et de ses voisins, mais aussi et surtout contre les Israélites
eux-mêmes. Nous retrouvons trace des cultes astraux par les
interdits et les condamnations :
"Et
quand tu lèveras les yeux au ciel et que tu verras le soleil, la
lune et les étoiles, toute l'armée des cieux, ne te laisse pas
entraîner à te prosterner devant eux et à les adorer, car Yahvé
ton Dieu les a assignés à tous les peuples qui sont sous le ciel."
Deutéronome
(IV, 19)
Il
ne s'agit pas d'une simple mise en garde, car le fait de s'adonner à
ce culte est réprimé avec la plus grande sévérité, allant
jusqu'à la mort. Et s'il se trouve quelque personne chez soi ou dans
sa ville qui aille servir d'autres dieux et se prosterner devant le
soleil, la lune ou les astres, la procédure est la suivante :
"Tu
traîneras l'homme ou la femme qui aura commis cette mauvaise action
aux portes de ta ville et tu les lapideras jusqu'à ce que mort
s'ensuive."
Deutéronome
(XVII, 3-5)
Les
morts eux-mêmes ne seront pas pardonnés : "Ils ne seront plus
recueillis ni ensevelis ; ils resteront comme du fumier à la surface
du sol." (Jérémie, VIII, 1-2).
Malgré
ces lourdes menaces et punitions extrêmes, les Israélites n'en
continuent pas moins d'adorer les "faux dieux". Contre la
persistance des cultes astraux, il fallait souligner la supériorité
de Yahvé aux yeux des Juifs.
Supériorité de Yahvé
Supériorité de Yahvé
Dans la Genèse, cette supériorité passe d'abord par le rapport de subordination de la chose créée au créateur : c'est Yahvé qui a fait les cieux et les cieux lui sont soumis. et la lumière de Yahvé éclipsera enfin tout autre lumière :
"Le
soleil ne servira plus à t'éclairer pendant le jour
ni
la lune à te donner de la clarté :
Tu
auras constamment Yahvé pour lumière
et
ton Dieu pour parure.
Ton
soleil ne se couchera plus
et
ta lune ne décroîtra jamais ;
Car
tu auras constamment Yahvé pour lumière
et
les jours de ton deuil seront à leur terme."
(Isaïe
LX, 19-20)
Néoménies
La
fête de la nouvelle lune ou de la néoménie serait la trace d'un
ancien culte rendu à une divinité lunaire. La plupart des textes de
référence unissent les deux termes de "néoménie" et de
"sabbat". On offrait des holocaustes à Yahvé à chaque
nouvelle lune.
Pleine
lune
La
plupart des savants ont rattaché le sabbat à la fête de la pleine
lune, l'opinion la plus courante étant que le sabbat (shabbat)
vient de shabatu
"cesser", le sabbat étant le moment du mois où la lune
"cesse" de croître.
La
Pâque
Comme
le sabbat, la Pâque (pesâkh) a été rattachée à une fête de
pleine lune. Les traditions bibliques s'accordent pour raconter que
la Pâque fut instituée pour commémorer la sortie d’Égypte des
Hébreux. Mais cette fête qu'on célèbre dans le désert semble
bien avoir été une fête de nomade, d'origine pastorale.
Fête
du départ d'Egypte, fête de nomade dans le désert, fête du
quatorzième jour du mois, il semble bien que nous soyons en présence
d'une fête étroitement liée à la pleine lune.
Que
conclure de cette enquête ? Pas de mythe de la lune en Israël, mais
on peut parler de traces d'un culte lunaire, ce qui présupposerait
une religion lunaire du désert [...] On ne peut nier que la plupart
des fêtes hébraïques aient été en rapport avec la lune. Mais
avec le dieu ou avec l'astre ? Là est toute la question, que nous ne
nous chargerons pas de trancher."
La
Lune - Mythes et Rites – La lune en Canaan et Israël
par
Madeleine Petit (Le
Seuil, 1962)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Si vous souhaitez adresser quelques carottes au LL ou au contraire, lui donner un coup de bâton sur le râble, ce formulaire vous est dans les deux cas destiné :