La symbolique, pas plus que les croyances populaires, ne font de différence entre le lièvre et le lapin. Pour certaines civilisations anciennes, le lièvre était un « animal de la lune » car les taches sombres que l’on peut voir sur le disque lunaire ressemblent à un lièvre en pleine course.

Encyclopédie des symboles (sous la direction de Michel Cazenave, La Pochothèque,1996)


auteur-éditeur : www.remy-leboissetier.fr

samedi 20 décembre 2014

Abécédaire de Titta Caouanne [Rémy Leboissetier, décembre 2014]

Ce livre-objet rassemble 20 lettres adressées par voie postale à une personne répondant au nom "totémisé" de Titta Caouanne et dont le contenu se rapporte à un mot composé, du A de Abaisse-langue au V de Vif-argent. Outre la forme imposée de l'abécédaire, cette contrainte vise à mettre en valeur cette catégorie de mots relativement délaissée et pourtant forte d'expression, assez efficace en tout cas pour venir en aide à un lexique parfois déficient ou faire l'économie d'une périphrase (à noter la fonction pratique de composés tels que marche-pied, essuie-main, repose-tête...) La plus grande qualité de ce type de formation est d’avoir le sens du raccourci, l'esprit de synthèse, en se faisant charge d'aucune surcharge, ainsi de lance-flammes, d'allume-feu... Un verbe accolé à un adjectif et voilà un sujet rapidement croqué (combien de mots faudrait-il pour décrire un trotte-menu ?) Passer ainsi en revue les mots composés de la langue française fut d’abord un régal de vocabulaire et s’il apparaît çà et là des manques, les entrées du dictionnaire offrent néanmoins un fonds d'options savoureuses. Nous avons, il est vrai, beaucoup emprunté à l'anglais qui en regorge et oublié de produire de nouvelles formations, mais personne ne contestera le fait que notre rendez-vous s'exporte toujours bien.
"Humoraliste" autodéclaré, je me suis surtout appliqué dans cette série à composer des portraits qui illustrent les mœurs de notre bonne vieille société, en m'intéressant pour le reste à quelques faits et objets, mais tout au long et à tous niveaux c’est bien des états du langage dont il est évidemment question. Enfin, disons que la meilleure marque de vitalité des composés tient en peu d'espace et s'ouvre à plus large considération : elle se signale par la présence d'un lien discret qui résume et la lettre et l’esprit et le cœur même de cette entreprise, sous l'appellation de trait d’union – système d'assemblage favorisant l'échange, né de l’indispensable relation.


Si ce n’est d'assurer un véritable dialogue, la correspondance par lettres fonde un genre de "conversation". Hors de toute présence physique, ce mode conversationnel, puisqu'il faut l'appeler ainsi, n'est pas complètement détaché de l'oralité, dans la mesure où il en maintient certains traits de caractère. Par le choix des mots et de leur ajustement, ce mode occupe un espace qui peut tenir lieu de parole, sans appartenir totalement à l'écrit. Du reste, dans son premier sens, la conversation est ni plus ni moins un moyen de "fréquentation", une façon de se tourner vers quelqu'un pour un échange de propos.
Plus qu'un outil de communication, dont on ne manque pas aujourd'hui, la correspondance est un moyen d'expression qui, dans sa forme écrite traditionnelle, se trouve en net déclin, quasiment en voie de disparition (cette rareté lui confère une valeur précieuse, d'autant plus perceptible que le courrier postal devient onéreux). C'est justement cet état d'abandon, cette obsolescence comme diront certains, qui m'a conduit à raviver ce mode de relation établie sur un double rapport de tons, réglant la balance entre distance et proximité, réserve et familiarité.
Discussion serait peut-être un mot plus approprié si ce qui sert de matière à conversation, passant donc de la correspondance intime à l'espace plus ouvert de la publication, ne devait être tout de même quelque peu "élargi" et aiguisé pour cette nouvelle destination. Mais qu'il s'agisse là de ce qu'on appelle littérature, au sens commun de grandeur littéraire, je n'en suis pas vraiment sûr. Un genre prosaïque, très certainement ; une forme intermédiaire entre la parole et l'écrit qui ne commande pas trop d'élévation et ne s'encombre pas non plus des apprêts du discours oratoire, mais requiert en priorité un style vif, tirant au maximum profit des traits d'esprit et de la couleur des mots. Plutôt qu'une étude approfondie du système et des effets des mots composés, dont je ne me sens nul besoin d'autorité, le lecteur trouvera ici le résultat d'une observation la plus fine possible, exercée rapidement selon mon humeur : j'y expose un point de vue sans pour autant professer d'opinion. 

 

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