La symbolique, pas plus que les croyances populaires, ne font de différence entre le lièvre et le lapin. Pour certaines civilisations anciennes, le lièvre était un « animal de la lune » car les taches sombres que l’on peut voir sur le disque lunaire ressemblent à un lièvre en pleine course.

Encyclopédie des symboles (sous la direction de Michel Cazenave, La Pochothèque,1996)


auteur-éditeur : www.remy-leboissetier.fr

jeudi 15 décembre 2011

Lapin-délice : hommage à Roland Topor

Retour sur image. Votre lièvre précieux suit ses lunes gibbeuses et acidulées : faisant le tri sélectif de son courriel quotidien, il a promis de faire figurer ici, en réponse à l’envoi de l'image pieuse ci-jointe, l’expression ravissante de son amie Lynda du "lapin-délice d’Alice qui part en sucettes", expression qui aurait sans doute amusé le Roland furieux répondant au nom de Topor, artiste multi-cartes, auteur de textes incongrus et d’images pas sages. Furieux, non dans le sens colérique du personnage légendaire de l’Arioste, mais pour qualifier une activité artistique débridée, hétéroclite, à l’effet panique (du mouvement "anti-mouvement" du même nom, en référence au dieu Pan, qu’il créa en compagnie d’autres individus sérieux-non-sérieux comme Fernando Arrabal et Alexandro Jodorowsky en 1962). Topor avait une faim peu commune (et mille poires pour sa soif), pourvu d’un rire hénaurme, assumant joyeusement ses excès de fables et défauts de correction ; il fut l’un de ces "ogredins" polymorphe à l’humour rose et noir agrémenté de nombreuses épices, mêlant son grain de folie à quantité de sauces, puisqu’il fut tour à tour (et simultanément) peintre, illustrateur, dessinateur, écrivain, poète, metteur en scène, chansonnier, acteur, cinéaste… Un éclectisme toujours suspect aux yeux des puristes, qui bien souvent accusent ce genre de touche-à-tout de dilettantisme. Roland Topor se moquait bien de cet aspect frigoliste, se moquant d’abord de lui-même, endossant volontiers le rôle du moqueur moqué. Son rire hénaurme et son esprit prompt à la déconnade laissent parfois percer des accents graves de clown triste, voire cafardeux.

Issu d’une famille juive polonaise ayant fui l’occupant nazi (Abram Topor, le père, était lui-même artiste peintre avant de devenir maroquinier pour nourrir sa famille), le fils Roland naît en 1938. Il étudie aux Beaux-arts de Paris, commence à publier ses dessins en 1960 puis romans et nouvelles à partir de 1964. Son premier livre, Le locataire chimérique (récemment réédité chez Phébus), sera magistralement adapté au cinéma en 1976 par Roman Polanski (qui joue le rôle du personnage principal).

Dans les années 70, Topor s’intéresse au cinéma d’animation et travaille avec René Laloux sur plusieurs courts métrages puis sur La planète sauvage, long métrage qui reçut le Prix spécial du jury à Cannes en 1973. Il collabore également au Casanova de Fellini, réalisant les images projetées pendant la séquence de la "lanterne magique".


Avec le réalisateur belge Henri Xhonneux, il travaille sur la série pour enfants Téléchat en 1983 (234 épisodes seront tournés) puis avec le même réalisateur, pour le bicentenaire de la Révolution, ce sera un film-hommage à Sade, Marquis en 1988 (avec des acteurs en masques, aux figures animales), froidement accueilli à sa sortie, mais devenu depuis un objet de culte. Film audacieux, singulier, servi par une grande qualité esthétique, qui fait dialoguer le marquis de Sade avec son sexe appelé Colin…

Roland Topor affronte tous les genres, alternant œuvres personnelles et collectives ; à la télévision, avec la complicité notable de Jean-Michel Ribes pour la série à sketches Palace en 1988 ; au théâtre, pour des pièces que lui-même écrit (L’hiver sous la table, créée en septembre 1994 au Nationaltheater de Mannheim, en Allemagne), qu’il dirige (adaptation de Ubu roi pour le Théâtre national de Chaillot en 1992) et bien d’autres spectacles auxquels il contribue.

On lui doit également une remarquable illustration de Pinocchio, pour deux éditions, italienne et allemande. L’album a été réédité par Autrement en 2008.

Roland Topor meurt en 1997 d’un accident cardio-vasculaire. Il est enterré au cimetière du Montparnasse, quatorzième division. Il fut nommé à titre posthume "satrape" du Collège de ‘Pataphysique.

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