I.
LES HITTITES
Les
deux grands peuples anatoliens d'origine indo-européenne qui ont
constitué les cadres de l'Empire hittite, "Nésites" au
nord et au centre, "Louvites" au sud et à l'ouest, ont en
commun le nom de la lune, arma,
et des dérivés de ce nom (1). La lune se présente, par sa forme
linguistique, comme un symbole biologique, et c'est en effet le rôle
que les Hittites lui reconnaissent.
Cependant,
aucune fête dédiée à Arma
ni de clergé voué à son culte n'ont pu être mis à jour. Les
seules traces que l'on puisse relever d'une divinité lunaire chez
les Hittites apparaissent dans la magie. La lune agit comme une
puissance infernale, déesse souterraine patronne des morts et
instigatrice du mal physique. Car la lune, comme Hécate, s'apparente
à la nuit, aux enfers, à la mort. Si le soleil est le grand témoin
des actions diurnes, la lune châtie le criminel nocturne.
(1) Armanni, croissant ; armawant, gravide ; armah, engrosser ; arma-hatar, mesntrues ; arman, maladie, faiblesse ; armuwal, action de la lune.
(1) Armanni, croissant ; armawant, gravide ; armah, engrosser ; arma-hatar, mesntrues ; arman, maladie, faiblesse ; armuwal, action de la lune.
Au
milieu du second millénaire, une population d'origine orientale,
parlant une langue de type caucasien, s'était établie entre les
Mésopotamiens sémitiques et les Anatoliens, sur le Moyen-Euphrate,
en Syrie du nord et en Cilicie.../... Le centre de propagation
hourrite vers l'ouest fut le sanctuaire cappadocien de Comana ; de
là parvinrent jusqu'au cœur du pays hittite le culte de plusieurs
divinités babylonniennes.../.. En Syrie, d'autre part, la cité
d'Ougarit, mêlée de Sémites et de Hourrites, offre également un
mélange singulier de cette civilisation.
Le
dieu lunaire Kousoukh
est précisément l'une des figures divines les mieux caractérisées
de ce milieu religieux. Dès leur arrivée dans le croissant fertile,
les Hourrites ont dû intégrer leurs dieux nationaux au système
babylonien. Kousoukh,
la lune, est alors assimilé à Sin.
Quatrième dans la hiérarchie divine, on attribue à Kousoukh
le chiffre 30, et il précède le Soleil divin, avec lequel il
constitue une paire astrale.
Kousoukh
est un dieu masculin, armé de la massue, ailé, barbu,
vigoureux.../... Le dieu-lune des Hourrites présente aussi une
originalité, qui est de remplir une fonction particulière : il est
le grand patron du Serment.../... On l'associe, à ce titre, à une
figure féminine parallèle, Ishara,
sorte d'Ishtar
occidentale.
La
religion traditionnelle de l'Asie mineure pré-hittite et hittite
ignorait un dieu de la lune, et reléguait celle-ci au rang des
puissances obscures, magiques, insaisissables. Mais l'idée que la
lune et le soleil, tous deux astres lumineux, doivent se partager,
alternativement, la charge de regarder les choses d'ici-bas, et de
sauver par leur témoignage le serment, source et garantie du
contrat, tout ce corps de doctrine évolué appartient à un stade
plus "moderne" de la pensée religieuse. Sur ce point comme
sur tant d'autres, les Hourrites, eux-mêmes élèves de la
Mésopotamie, ont été les éducateurs des Hittites.
Emmanuel Laroche, in La lune, mythes et rites (Sources orientales, le Seuil, 1962)
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