Comment parler de Danny Cohen ? Difficile… D’abord, on ne connaît pas grand-chose du monsieur (en dehors du fait qu’il aurait commencé à jouer dans un groupe dès 1961). Toutefois, pour son propre bien, il faudrait lui rendre un service : envoyer à la poubelle la somme de superlatifs et de clichés employés par la plupart des critiques musicaux, tant amateurs que professionnels, et malheureusement trop bien intentionnés. Ce genre de langage, appliqué à d’autres musiciens jugés singuliers ou "frappadingues" nous renseigne peu, comme s’il fallait être soi-même sérieusement "dérangé" pour apprécier pleinement les compositions de Danny Cohen et entrer dans le club de ses auditeurs psychotiques privilégiés. Certes, on est vite convaincu à l'écoute que l’Ange du bizarre a croisé sa route, mais essayons d’être plus objectif, d’autant que Danny Cohen n’est pas dupe de l’image qu’il véhicule (compte tenu de la dose d’humour noir qu’il inocule et de son goût de l’autodérision avancée).
D’abord, Danny Cohen, c’est une voix qui se distingue d’entre toutes, patiemment formée aux contorsions de ses arrangements : un contortionniste musical, d’un genre houdinien, qui parvient à se remettre miraculeusement en équilibre. Parce qu’il y a dans toute sa musique quelque chose de l’ordre de l’altération, du déboîtement, d’un dérèglement du sens rythmique. Un art complètement maîtrisé évidemment, taillé sur mesure (ingénieusement bricolé), alors que chacune de ses chansons semble faire naufrage. Ensuite il y a le son, comme vieilli en fût de chêne, de vieux sons organiques, fantomatiques et tremblotants, sonorités typiques d’instruments souvent poussifs et, dirait-on, eux aussi, mal réglés, en léger décalage harmonique. Danny Cohen tient du chaman et du taxidermiste. C’est en tout cas un maître de l’étrange, qui a raison d’être fier de son museum, auquel il nous donne ici droit d’entrée (et je vois bien que, malgré moi, au cours de cette chronique anachronique, j’ai aussi beaucoup trop subjectivé et adjectivé !)
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