La symbolique, pas plus que les croyances populaires, ne font de différence entre le lièvre et le lapin. Pour certaines civilisations anciennes, le lièvre était un « animal de la lune » car les taches sombres que l’on peut voir sur le disque lunaire ressemblent à un lièvre en pleine course.

Encyclopédie des symboles (sous la direction de Michel Cazenave, La Pochothèque,1996)


auteur-éditeur : www.remy-leboissetier.fr

jeudi 3 juin 2021

Lever un lièvre ou la fortune poétique du lièvre et de la luzerne

André Pieyre de Mandiargues, reconnu à juste titre comme un orfèvre de la langue, nous parle de la valeur comparée du poème en prose et en vers, et en même temps de ce qui les rapproche et les distingue. Évoquant le succès du poème en prose « projeté par un jeune chantre inouï, Rimbaud » (faisant l'impasse sur Baudelaire et Le Spleen de Paris, ce qui est étonnant), il fait remarquer que ce genre aurait pu définitivement supplanter le poème en vers, « réguliers ou irréguliers » et c'est là, à propos de ces deux épithètes, que le préfacier choisit d'esquiver tout approfondissement de la question : « je sais que je lève un lièvre qui m'entraînerait trop loin, si j'avais l'imprudence de le suivre ». En effet, le caractère bref de la préface ne le lui permet pas et il est conscient que s'engager dans une forme d'essai littéraire serait propre à embarrasser, voire compromettre sa mission introductive à l’œuvre de Gérard Macé dont il a la charge.

Mais il triche, bien sûr, tout au moins il va par sauts et bonds, à sa fantaisie, à tel point que sa Préface finit par ressembler elle-même aux imprévisibles mouvements de déroutement de l'animal !

« Simplement, je souhaiterais que l'on distingue entre l'esprit, ou l'inspiration, ou l'imagination, ou la tension, poétiques, dont la prose est un véhicule admirable, et la forme catégorique de la poésie, qui tient à la connaissance et à l'usage de la métrique dans le vers libre autant que dans le vers régulier. »

Afin d'appuyer cet aspect, Mandiargues cite d'un côté Guillevic qui, dans son usage du vers libre, fait preuve d'une « justesse et une aisance » qui l'émerveille, et de l'autre, Leopardi, « exemple souverain de lyrisme prosaïque »

Et de constater que le thème qu'il projetait de tenir à l'écart revient sur le devant de la page :

« Le lièvre se joue de moi ; qu'il aille courir où il veut ; de lui je me désintéresse... »

Mais c'est surtout cette suite qui, justement, nous intéresse ici en tant que lièvre lunaire :

« Cependant, avant de perdre des yeux, pour en venir à Gérard Macé, l'animal voué à la lune, je remarquerai que depuis trois bons siècles les poètes français font disparaître celui-là dans la luzerne, ou l'en tirent au besoin. Que telle légumineuse fourragère soit vraiment la nourriture favorite du lièvre, je n'en jurerais pas ; non, mais le mot « luzerne » est ensorcelé, électrisé [1] ; celui de « lièvre » (carrefour de mythes essentiels) ne l'est pas moins ; les premiers poètes dans le langage desquels ces deux mots trouvèrent un harmonieux lit avaient donc mérité le titre de mages. A la longue, pourtant, la magie des associations des mots s'use, et Gérard Macé, puisque c'est de lui qu'il est question, mettra dans la luzerne n'importe quoi sauf des lièvres, mettra les lièvres n'importe où sauf dans la luzerne. Tout comme Péret, par exemple, à qui souvent je pense quand je lis Gérard Macé (dont il s'est depuis beaucoup éloigné). Péret qui fut l'un des plus inspirés magiciens du poème en prose, quoique en apparence et de préférence il écrivît en versets. »

[1] « Ensorcelé », probablement, « électrisé », certainement, puisque le mot luzerne, comme sa phonie le fait entendre, laisse filtrer la lumière, dérivant du latin lucerna puis de l'ancien provençal luzerna, « lampe », et luzerno, « ver luisant », dixit le Petit Robert.

André Pieyre de Mandiargues, extrait de sa Préface au Jardin des langues de Gérard Macé (éditions Gallimard, coll. Le Chemin, 1974)

lundi 27 janvier 2020

Private moon, Leonid Tishkov


"Private Moon" est un projet de l'artiste russe Leonid Tishkov. L’histoire de cette série, créée en 2003, est accompagnée de photographies originales. Tishkov et sa lune lumineuse ont depuis parcouru le monde – entre autres la Russie, la Nouvelle Zélande, l’Arctique, le Japon, la Chine, la France, l’Italie, et les États-Unis.

"Private Moon" est un poème visuel, racontant l’histoire d’un homme qui partage sa vie avec la Lune. Depuis le monde d’en haut, qui est en fait son grenier, il aperçut la Lune tomber du ciel. Elle se cacha d’abord du Soleil dans un tunnel sombre et humide, mais le bruit des trains l’effrayait. Elle vint alors se réfugier dans la maison de cet homme, qui enveloppa la Lune dans de chaudes couvertures, lui offrit des pommes d’automne et lui prépara une tasse de thé. Quand elle fut remise de ses épreuves, il la fit traverser, dans son bateau, la rivière sombre, pour arriver sur une rive élevée, couverte de pins de lune. Il descendit dans le monde du dessous, vêtu des habits de son défunt père, et en revint car la lumière de sa Lune personnelle guidait ses pas. Traversant un pont étroit, la frontière entre ces deux mondes, absorbé dans un rêve et s’occupant de cette créature céleste, l’homme devint un être mythologique vivant dans le monde réel comme s’il était un personnage de conte merveilleux. Chaque photographie est un récit poétique, un petit poème à part entière.

"De ce fait, chaque photographie est accompagnée de mes propres vers, que j’ai écrit au moment de réaliser les croquis préparatoires de ces clichés. Finalement, la Lune nous permet de dépasser notre solitude, nous nous unissons tous autour d’elle". (Leonid Tishkov) 

Leonid Tishkov est né en 1953 au sein d'une famille d'instituteurs, dans une petite ville russe de l'Oural. Il vit et travaille maintenant à Moscou.
 
L’œuvre poétique et métaphysique de Leonid Tishkov utilise divers supports et s'étend à différents genres : installations, sculptures, vidéos, photographies, travaux sur papiers, livres…

L'artiste a débuté sa carrière par la réalisation de cartoons dans les années 1980, au ton humoristique et satirique. Depuis le début des années 1990, il s’est plutôt tourné vers les installations à grande échelle, qui cherchent à impliquer le public et à les intégrer à des situations absurdes, où les personnages de dessin animés rencontrent l’action théâtrale. Les performances théâtrales "Dabloids", "Deep Sea Divers", "Living in the Trunks", ensuite transformée en installations ("Dabloid Factory", sculptures en bronze de "Divers" (plongeurs)). Parallèlement, Tishkov s’intéresse à la thématique du souvenir, et crée des collections d’objets, vidéos et photos sur le lieu de ses origines : l’Oural et sa défunte mère. Il utilise pour cela différentes formes d’art folklorique et de matériaux recyclés – vêtements et ustensiles domestiques ("The Knitling", 2002, "Divers from Heaven", 2004).

Depuis les années 2000, l’artiste verse dans la tradition romantique, voire magique, illustrée par une série de performances intitulées "Anthology of Heaven" (1999-2002), réalisées sur le toit de son studio, et par un disque retraçant l’histoire de Private Moon (2003-2017).

le site Web de Leonid Tishkov

Traduction : Léa Leboissetier

lundi 13 janvier 2020

La Dame dans la Lune (XVIIe siècle)

Si vous êtes restés attentifs, malgré ses périodes d'absence de plus en plus longues, vous vous souviendrez que votre lièvre lunaire a mentionné auparavant la présence de plusieurs résidents qui partageaient son territoire, dont la femme, représentante de l'espèce humaine, ici et . Cette femme, qu'elle soit représentée sous forme de déesse ou de vieille femme portant un fagot trouvait son origine soit dans les mythes soit dans les légendes populaires.

Ici, la « Dame dans la lune » est le produit d'une imagination romanesque qui se rapporte à la cartographie lunaire établie par Jean-Dominique Cassini (1625-1712) à partir de laquelle on a interprété une « vibrante déclaration d'amour de l'astronome à sa femme, par la femme ressemblant à un cœur dans la mer de la Sérénité et par la délicate tête de femme gravée de profil au promontoire des Héraclides, près du golfe des Iris » (La Lune : Du voyage réel aux voyages imaginaires, Réunion des musées nationaux-Grand Palais, 2019)

La présence d'une dame dans la Lune est en effet remarquée et se trouve confirmée par certains auteurs de l'époque. Ainsi de Jean de La Fontaine qui écrit, dans un passage de sa fable Un animal dans la lune (1678), en se moquant des savants : « Si je crois leur rapport, erreur assez commune / Une teste de femme est au corps de la lune / Y peut-elle être ? Non. D'où vient cet objet ? / Quelques lieux inégaux font de loin cet effet / La lune nulle part n'a sa surface unie / Montueuse en des lieux, en d'autres aplanie / L'ombre avec la lumière y peut tracer souvent / Un homme, un bœuf, un éléphant ». Nous l'avions déjà évoqué ici, à propos d'une satire de Samuel Butler.

À son tour Fontenelle (1657-1757), dans ses Dialogues sur la pluralité des mondes (1686), signale cette présence supposée : « Il n'y a pas jusqu'à une certaine demoiselle que l'on a vue dans la lune ».

lundi 31 décembre 2018

La Lune : voyages et spéculations, supplément V [1819-1840]

1/ José Daniel Rodrigues Da Costa (1757-1832)
O Balăo, aos habitantes de lua - poema heroi-comico en hum só canto, 1819 (Portugal)

Non traduit du portugais (impossible pour moi !) Si cela tente quelqu'un, j'ai le texte original (14p.)










2/ C.-J. Rougemaître
La Lune ou le pays des Coqs. Histoire merveilleuse, incroyable et véridique, contenant les principaux traits de la vie de PÉLICAN XXXI, papa des Coqs, et de CASOAR, son mignon – par un homme qui a voyagé dans la lune, 1819.

Au cours d'une promenade au bois de Boulogne, le personnage se repose sous un chêne et tandis qu'il entreprend la lecture de l'Arioste (dont l'histoire est en grande partie un décalque), il s'endort. À son réveil, il découvre un cheval « de la plus grande beauté ». Il monte ce cheval qui, déployant ses ailes – c'est l'hippogriffe du Roland furieux –, l'emporte au-dessus des tours de Notre-Dame. Il atteint la lune rapidement et après avoir touché le sol, le cheval reprend son essor puis disparaît.

Alors qu'il déplore sa solitude, des voix lui répondent et il constate la présence en ces lieux de deux personnes : Mme J'te souffle, une jeune femme de 17 à 18 ans, au caractère « enjoué, vive, folâtre » mais qui vient du fond des âges : « Mme J'te souffle date de loin. Elle accompagnait Venus au conseil des dieux ; elle conduisit Énée et Télémaque aux enfers […] Sa science est inépuisable, son pouvoir infini. » Bref, c'est une « grande magicienne » ; son compagnon, M. J'rabâche est présenté plus sommairement, en résumé c'est un « vieux radoteur ».

Le héros se rend à Grand-Poulailler, capitale du pays des Coqs. Mme J'te souffle l'informe qu'il se trouve parmi « des êtres qui ne sont pas encore de notre espèce et lui remet un anneau qui lui permettra de comprendre les Lunains et de parler leur langage. Sa première constatation concerne l'environnement lunaire : « Je me serais cru sur la Terre, en France, dans les environs de Paris même ». Les arbres et l'herbe sont seulement d'une couleur qui tire sur le jaune. La végétation est plus petite, proportionnée aux Lunains.

À mi-distance de la terre et de la Lune se trouve une planète où « naissent, vivent et meurent de petits animaux destinés à devenir dans la suite des temps des hommes, puis des esprits parfaits et heureux, ou condamnés à traîner éternellement un corps qu'ils ont trop chéri. Après leur vie, ces jeunes âmes sont reléguées dans la Lune, où elles reçoivent chacune un corps plus commode que le premier, mais moins commode encore que celui qu'elles doivent recevoir plus tard sur la terre ».
« La Lune est le berceau des habitants de la terre, ou pour mieux dire des hommes ». Les « lunains » ne sont ni des hommes ni des femmes, mais il en ressort qu'ils furent auparavant humains, mais que ces derniers n'en conservent pas le souvenir, sinon vague, inconscient dans ses phénomènes d'attirance et de répulsion. Il est précisé que cette antémémoire « nuirait au progrès de leur perfectibilité ». L'humain ne « fait qu'ébaucher son éducation dans la Lune ». La terre est « le purgatoire des habitants de la Lune. » (Lunaison VIII) « Les fautes commises sur la Lune sont expiées sur la terre ». Les lunaines, femelles de la Lune, ont un solide appétit sexuel et « se croiraient extrêmement malheureuses, si elles étaient contraintes de s'en tenir à un seul mâle ».

Il existe également une espèce d'êtres assez singuliers : ce sont des animaux qui se croient nés pour réformer tout le genre lunain ». Ces individus définis comme des « brailleurs politiques » ont pour punition de gouverner sur terre après leur mort lunaire : « ils occupent un trône, ou une charge subalterne ; les plus coupables sont condamnés à porter le titre d'empereur, de roi...

Grand-Poulailler, la capitale lunaire dégage, comme son nom l'indique, une odeur insupportable de de basse-cour. En résumé, elle est le reflet des jeux de pouvoir qui s'exercent sur la Terre. Ce qui est plus original tient à la division quadripartite de la surface de la Lune :
La chimérique, qui tirent son nom des habitants qui l'occupent, lesquels ne cessent de courir après des chimères, dédaignant les biens matériels ;
La scientifique, partie lunaire qui a vu « germer et fructifier la science » ;
La rubrique, ainsi nommée en raison de la rougeur de ses habitants, soumis à une chaleur excessive du climat ;
La diabolique, d'où sont envoyés une « multitude d'énormes paquets étiquetés : plaisir et volupté ; mais, quand on ouvre les ballots, on y trouve ordinairement, la peste et la mort.

Le pays des Coqs se trouve dans la partie chimérique. Les Lunains ont une apparence mi-humaine mi animale et chacun a une ressemblance sensible avec telle ou telle espèce, mais le premier des êtres lunaires est le pélican. L'inscription Pélican XXX, papa des Coqs renvoie au « chef de la société » ainsi qu'au « père commun à tous les êtres ».

À ce propos, un fait d'histoire du pays des Coqs entraîna le plus grand désordre :
Une petite brèche s'était formée dans le grand bâtiment de la Pélicanie. Un mauvais génie nommé Brouilletout se présenta comme maître-maçon pour en faire la réparation, mais ne fit qu'aggraver la situation. Son but étant de ruiner l'édifice, il fit venir quantité de « gâcheurs maladroits » et avec leur aide, réussit à attirer la volaille, tous ces Coqs jaloux du pouvoir des Coqs huppés qui assuraient la paix dans la palais de Pélicanie. On nous fait remarquer que « la volaille crottée avait pour elle le nombre ». Face au péril, les Coqs huppés, après avoir sacrifié leurs huppes, allèrent se réfugier « dans le pays des lions, sur les bords de la grande rivière verte» et d'organiser la lutte pour revenir et « renvoyer à coups de fouet la volaille crottée sur ses fumiers ». Les « gâcheurs-démolisseurs » se dirent bon débarras, mais quand ils s'aperçurent que les Coqs de haut ramage s'étaient enfuis avec leurs coquilles tant convoitées (c'est-à-dire leur argent), une folle colère s'empara d'eux et ce qui devait arriver arriva : « Ils firent écrouler le grand bâtiment sur le pélican, ils poussèrent d'horribles cris de joie en le voyant écrasé. Son sang rejaillit jusqu'au ciel, il couvrit toute la Lune et la plongea dans les ténèbres. »

Une grave crise sociale et économique s'ensuivit, qui commença par l'inflation monétaire due à la raréfaction des coquilles, remplacées par de mauvaises feuilles dévaluées. Tous les Coqs furent soupçonnés de cacher ses coquilles et « le nombre des fessés égala bientôt celui des fesseurs ». Une machine à fessées fut d'ailleurs inventée, qui permettait de fustiger cent Coqs à la fois. Autrefois heureux sous l'autorité du papa pélican, le pays des Coqs fut à présent gouverné par un monstre à trente-six têtes, « que le mauvais génie Brouilletout avait fait éclore d'un amas de fumier ». L'état de confusion était tel que la folie fut érigée en vertu. La maxime principale devint : la folie ou le fouet.

À force de révolte et contre-révolte, l'un des enfants de Brouilletout, appelé Sans-nom prit le pouvoir et réussit par la force à soumettre tout les peuples de la Lune. Sans-nom avait cependant un vieux complexe, celui d'être de petite taille. Mais enfin, les peuples de la Lune s'avancèrent en cohortes innombrables pour détrôner et fustiger Sans-nom à son tour puis réclamer le retour du Pélican. Mais le génie Brouilletout parvient, avec l'aide de la fée Carnassière, de le tirer d'affaire en le transportant dans le palais de fer de l'île des Taupes.

Pélican XXXI monta alors sur le siège rendu vacant de ses parents : la paix fut faite et tous les coqs devinrent comme « des coqs en pâte ». Toutefois, Brouilletout et Carnassière vinrent à nouveau semer le trouble. Puis la paix revint, etc. Les aventures continuent, et nous n'en sommes qu'à la moitié de l'ouvrage ! Le pays des Coqs est un pamphlet ultraroyaliste (mouvance dont le principe commun est la fidélité aux souverains de la dynastie capétienne, en même temps qu'elle défend un système monarchique qui s'appuie sur la noblesse). Cette satire est spécialement dirigée contre la personne du duc Élie Decazes, favori du roi Louis XVIII et nommé par celui-ci préfet de police de Paris en 1815.

3/ José del Castillo y Mayone
Viage somniaéreo a la luna, o Zulema y Lambert, Barcelone, 1832

Ce livre de Joaquín del Castillo y Mayone figure comme l'un des premiers romans de science-fiction, parmi cinq œuvres espagnoles connues du XIXe siècle qui traitent d'un voyage dans l’espace. Le héros du livre, l'algérien Ismaël embarque dans une montgolfière, à la poursuite de sa fille Zulema qui a fui sur la Lune, enlevée par son amant, le français Lambert. Au cours de son vol, Ismaël s'endort et rêve qu'il atteint la Lune, où il retrouve finalement Zulema et Lambert après de nombreuses péripéties...

Le roman commence en Espagne et plus précisément dans la propriété d’un certain Torcuato, située à l'extérieur de Cordoue. C'est là que celui-ci rencontre Ismaël, après l'avoir sauvé de la noyade dans les eaux troubles du Guadalquivir. Une fois remis de ses émotions, l'Algérien explique à Don Torcuato une étrange histoire à propos de sa fille enlevée par un soldat français et de son voyage sur la lune à la recherche du couple fugitif. D'après son récit, Ismaël est un pauvre homme, poursuivi par le malheur. Il a d'abord perdu son fils aîné, qui a été recruté par les Turcs pour combattre les Russes et n'est jamais revenu. Plus tard, sa fille est partie avec un marin français qu'Ismaël avait lui-même sauvé de la noyade après le naufrage de son navire, près de sa maison. Comme Ismaël n’approuvait pas le mariage en raison de la différence de religion entre les époux, les deux amants décidèrent de s’enfuir en ballon vers la Lune et le lui firent savoir par une lettre d’adieu. Mais Ismaël, insatisfait de la perte de sa fille, partit à sa recherche à bord d'une autre montgolfière. C'est là que commence la partie science-fiction de l’histoire, avec Ismaël s’endormant dans le ballon au milieu de l'ascension et rêvant de son arrivée sur la lune. Dans le rêve, les habitants de la lune l'emmènent au "dépôt des raretés" pour passer, plus tard, par les hémisphères de la "tranquillité" et de "l'intrigue" où il retrouve finalement sa fille même s'il ne peut la ramener sur Terre.

Sur la description du « dépôt de raretés », je dois dire que c'est une des premières descriptions d'extraterrestres dans le roman européen du XIXe siècle. D'après ce qu'il raconte, cet endroit est une sorte de zoo où les Luniens amènent (par paires) les visiteurs d'autres planètes pour qu'ils se reproduisent entre eux. Il y a les Mercuriens (Mercure), les Martiens (Mars), les Vénusiens (Vénus), les Jupitériens (Jupiter), les Saturniens (Saturne) et les Uraniens (Uranus). Tous plus étranges les uns que les autres. Pour donner un exemple, Il décrit les Mercuriens comme des êtres craintifs qui sont toujours effrayés et possèdent un sac (du côté du cœur) qu'ils serrent d'une main et couvrent avec l'autre, pour on ne sait quelle raison.

Finalement, et juste quand il vient de retrouver sa fille Zulema, Lambert le renvoie sur terre, tomber dans les eaux du Guadalquivir, d'où le sauve Don Torcuato. Celui-ci, abasourdi par tout ce que lui raconte Ismaël, commence par lui faire comprendre que rien de tout cela n'est possible et qu'il ne peut que l'avoir rêvé. Il semble que le récit tourne en boucle... Mais au final, alors qu'Ismaël est déjà pleinement convaincu que tout n'a été qu'un rêve, Don Torcuato reçoit la visite d'un ami (Don Emeterio) qui leur raconte quelque chose d'étonnant. Le fait est qu’à son retour d’un voyage à Constantinople, il accompagnait un Algérien, qui avait pris part à la guerre entre Turcs et Russes et qui, en rentrant chez lui, avait retrouvé la maison familiale vide. D'après ce que lui dirent les serviteurs, sa sœur et son père partirent chacun dans un ballon et ne revinrent jamais. En entendant cela, le pauvre Ismaël est abasourdi et il décide de rentrer dans son pays dès que possible. Mais avant qu'il ne puisse le faire, Don Emeterio apparaît à nouveau avec encore plus de surprises. Cette fois-ci, il est avec un couple de naufragés qu'il vient de sauver. Le fait est que le naufragé leur dit qu'une fois il avait lâché un ballon sans passagers pour faire croire au père de son amante qu'ils s'étaient enfui avec. Et ensuite ils s'en furent à pied. Cet homme s'est avéré être le fils d'un homme nommé Lambert qui a épousé la sœur de Don Torcuato, Mme Leonor Carbajal et Chaves.

L’histoire se termine bien, avec Ismaël remettant la dot à sa fille avant de rentrer à Alger, tandis que Zulema et Lambert restent à Grenade, heureux. Depuis qu’elle s’est convertie au christianisme, elle ne peut pas (et ne veut pas) retourner dans son pays.
 
Source internet
rabsenta.blogspot.com/2012/07/el-dia-que-descubri-joaquin-del.html

historiadora del arte, miembro del colectivo Cazadores de Hermes de Barcelona y madre responsable tanto de La Barcelona d'Hermes (Albertí, 2016) como del Anecdotario de Barcelona (Comanegra, 2016). Este último junto a Pep Brocal.

Traduit de l'espagnol par Pierre Bouvier

4/ Jacques BOUCHER DE CREVECOEUR, dit DE PERTHES (1788-1868)
Les trois songes – Mazular, 3e partie, 1832

Né à Perthes, près de Rethel (Ardennes), l'auteur est surtout connu et reconnu comme l'un des fondateurs de la science préhistorique (il y a un musée à son nom à Abbeville)

Un cordonnier nommé Mazular rencontre un de ses amis qui l'invite au cabaret au joyeux motif que sa femme vient de décéder subitement. Après un dîner copieux, Mazular s'endort. « À peine avait-il fermé les yeux qu'un animal hideux apparut devant lui et vint s'étendre sur sa poitrine ; il voulut crier, mais le monstre qui l'oppressait l'en empêcha, et, le saisissant avec une force invincible, il perça le toit de la maison, l'enleva dans les airs »...

Mazular se retrouve dans un marais immense, « rempli de serpents, de lions et de tigres ». Pour leur échapper, Mazular choisit de monter à un arbre, mais « tout à coup l'arbre disparut, et Mazular tomba ; le marais ayant disparu aussi, le pauvre homme ne sut plus ou poser le pied : il vit une masse qu'il crut solide ; il sauta dessus : c'était un nuage; il passa tout à travers, et il commença à rouler avec une si grande rapidité, qu'il pouvait à peine respirer ; il lui sembla qu'il descendait ainsi pendant quinze jours et quinze nuits ; enfin, il distingua quelque chose de rond et de brillant, où il fut jeté avec un choc terrible : c'était la Lune ».

Voilà qui commence comme une fatrasie ! Reprenant ses esprits, il se voit entouré d'êtres qui n'ont « qu'une jambe, qu'un bras, qu'un œil, qu'une oreille, et pas de nez ». D'abord effrayé, il s'aperçoit que ces créatures le sont autant que lui alors il se calme. Sa tête ayant heurté une citrouille, il leur demande de lui procurer un vulnéraire mais croyant que l'homme leur réclame à manger, on lui ramène un quartier de chevreuil que Mazular refuse poliment. Finalement, les « lunains » constatent sa blessure sur laquelle ils prennent soin d'appliquer « un emplâtre de poix de Bourgogne » et à la suite de ces bons traitements, Mazular se relève tout à fait rassuré.

« Dès qu'ils le virent remuer deux bras, rouler deux yeux et marcher sur deux jambes, ils furent saisis d'un accès d'hilarité tel, et poussèrent des éclats de rire si forts, que le bruit en ressemblait à un grand ouragan. Bientôt la nouvelle se répandit dans la Lune qu'il y était arrivé un être double, et l'on accourut de tous les départements, de tous les cantons, de tous les arrondissements pour le voir ». Mazular leur dit que dans son monde tout le monde était comme lui, ce qui fut considéré comme un honteux mensonge : « on le condamna à faire réparation honorable, la corde au cou, devant le palais de l'institut de la Lune, pour avoir manqué aux savants ».

Malgré cet incident, Mazular se trouvait plutôt bien sur la Lune. « Comme les habitants n'avaient que seize dents et la moitié d'un corps à nourrir, les vivres y étaient à bon compte ; l'on y avait une dinde aux truffes pour trente sols, et un baril de vin vieux pour trois francs, quand on pouvait frauder l'octroi ». Et puis Mazular reprit son activité terrestre de cordonnerie, mais ne faisant bien sûr qu'une chaussure à la fois. Il apprit la langue du pays, ce qui était finalement assez simple : « Ces gens ne connaissaient que neuf lettres, et l'alphabet finissait à i […] en revanche, ils avaient le double de nos maladies, ce qui provenait peut-être de ce qu'ils avaient le double de médecins. Quoi qu'il en soit, ils aimaient la danse ; ils se mettaient deux pour battre un entrechat, et quatre pour danser un pas de deux. Les journaux n'avaient qu'un feuillet, aussi il n'y avait qu'un éditeur responsable pour deux journaux. Les quadrupèdes n'avaient que deux pattes ; les colonels ne portaient qu'une épaulette ; les docteurs qu'un demi-bonnet, et chacun ne disait que la moitié de la vérité ». Sur la Lune, la mesure du temps était également divisée de moitié : « les années n'ont que six mois ; les mois quinze jours ; les jours douze heures, et les heures trente minutes.

Après plusieurs années, Mazular avait fait sa fortune et s'ennuyait quelque peu. Un dimanche, « comme il sortait de l'office » (on peut donc croire que les « lunains » étaient pieux), alors qu'il s'était « un peu trop avancé au bord de la Lune pour savoir ce qu'il y avait dessous, le pied lui glissa ; il tomba sur une comète qui passait en ce moment ; il voulut se retenir à la chevelure, mais elle lui resta dans la main : elle lui fut néanmoins d'une grande utilité, car lui servant de parachute, il arriva tout doucement et se trouva sur le pôle arctique : où il serait mort de misère, s'il n'avait aperçu un ours blanc sur lequel il monta ; cet animal le conduisit droit à la Nouvelle-Hollande. Là, les naturels étaient entièrement nus, à l'exception du visage, qu'ils cachaient avec une feuille de vigne. Dès qu'ils virent Mazular, ils prétendirent le manger, lui et son ours blanc. Déjà la marmite était au feu, quand des faiseurs de découvertes débarquèrent ; les sauvages s'en allèrent si vite qu'ils abandonnèrent leur batterie de cuisine ; Mazular resta avec son ours blanc ; les voyageurs embarquèrent l'un et l'autre ; ils empaillèrent l'ours blanc pour sa commodité ou celle de l'équipage, et firent faire à Mazular deux ou trois fois le tour du monde ». Mazular, de retour sur Terre, y continue ses aventures...

5/ Jules Fleuret
Un Complot dans la Lune, 1839

Dialogue entre deux personnes au sujet d'un prétendu complot des anarchistes Séléniens contre le gouvernement en place à l'époque : les habitants de la lune ne songent guère à notre système. Si nous savons qu'ils existent, savent-ils, eux, que nous vivons au dix-neuvième siècle, sous le gouvernement de Juillet, que nous sommes complètement régénérés et que nous marchons d'un pas ferme et rapide dans la voie des améliorations, le savent-ils ? je vous le demande.

Selon toute probabilité, l'ouvrage ne décrit pas de voyage à la lune, mais je n'en sais pas plus, ni sur l'ouvrage ni sur l'auteur...

lundi 12 novembre 2018

Le mythe du trickster chez Kenzaburô Ôé : M/T et l'histoire des merveilles de la forêt (éditions Gallimard, 1989, traduction de René de Ceccaty et Ryôji Nakamura)

Illustration de Alexios Tjoyas
« Sagesses et Malices de M'Bolo, le lièvre d'Afrique »
 (éditions Albin Michel, 2002)
Dans cet ouvrage, rappelant à lui des souvenirs personnels, Kenzaburo Ôé évoque un sentiment de nostalgie lié à la transmission de légendes anciennes contées par sa grand-mère (§9, p.26 et suiv.). Longtemps après avoir quitté son village de la forêt puis vécu dans d'autres lieux, et alors qu'il vit à Tokyo depuis plus de dix ans, l'auteur nous dit qu'il eut l'expérience de « voir renaître avec vivacité le sentiment de nostalgie » éprouvé dans son enfance, à la lecture d'un livre d'anthropologie sur les contes folkloriques d'une tribu indienne d'Amérique. Il s'agissait, précise-t-il, d'une étude sur la « mythologie du trickster » chez les indiens Winnebago (dont votre lièvre précieux a déjà parlé ici).


Kenzaburô Ôé rapporte l'histoire qui l'a en particulier retenu : « Un trickster, en se chauffant près d'un feu, se brûle le derrière ; continuant à marcher sur un chemin, sans le savoir il revient sur ses pas et ramasse un morceau de viande par terre et le mange. En savourant ce mets, il s'aperçoit que c'est une partie de ses intestins qui est tombée quand il s'est brûlé ; il se lamente lui-même d'être aussi idiot […] et renoue les intestins restants. À ce moment-là, il tire si fort que les fesses de l'homme sont, depuis, contorsionnées comme on peut le voir à présent. »

Bien que l'histoire du trickster Winnebago (dont on connaît nombre de versions, celle-ci étant résumée d'ailleurs sommairement) soit très différente des conditions connues de Kenzaburo Ôé, à travers les histoires contées par sa grand-mère, celui-ci considère que le mode de vie et d'action de Meisuké ou Dôji, deux figures des légendes japonaises qui lui sont familières, et du trickster « participent d'un même caractère », lequel conduit la plupart du temps à des décisions qui sont à l'opposé du bon sens : briseurs de tabous et casseurs de dogmes. Nous l'avons déjà fait remarquer, pour l'avoir reconnu comme tel en différentes civilisations : le trickster est en effet une figure universelle. C'est ce caractère d'escroc, de filou, de « débrouillard » (qui serait la traduction de wakjunkaga, le nom du trickster Winnebago) qui suscite en Kenzaburo Ôé une « forte nostalgie ».

Après avoir décrit quelques traits de similitude entre les histoires du trickster Winnebago, figuré généralement comme en Afrique par le lièvre, et celle de ses héros d'enfance Meisuké et Dôji (ce dernier étant la réincarnation du premier), Kenzaburô Ôé s'explique sur ce sentiment de profonde nostalgie : « Il me semble que je voyais là surtout en surimposition (ou par surimpression) la combinaison de ma propre enfance et de ma grand-mère qui me racontait avec patience des légendes du village. »

L'auteur en vient à se demander pourquoi elle l'avait choisi, lui, et aucun autre. Mais probablement qu'elle avait reconnu en Kenzaburô un auditeur de choix, qui allait se faire auteur et à son tour médiateur des légendes anciennes, puisqu'il note lui-même plus loin : « Quel qu'en fût le sujet, la narration de ma grand-mère était habile et gaie. En effet, dès que j'avais commencé à l'écouter, mon attention ne se relâchait plus. »

vendredi 5 octobre 2018

La Lune : voyages et spéculations, supplément IV [1784-1809]

1/Vasily Levshin, Vasiliĭ Levshin ou Vasily Lyovshin (1746-1826)
Newest Voyage, 1784

Pas d'accès documentaire direct au texte original russe ni en traduction.
Bernd Brunner, dans son livre Moon. A brief history, évoque cette œuvre en quelques lignes :
Dans son utopie « Noveysheye Puteshestviye » (The Newest Voyage), qui contient le premier voyage à la Lune de la littérature russe, l'astre est un monde au sein duquel règne une égalité absolue, sans police ni souverain, où le progrès domine la tradition, où les habitants se consacrent à des activités pacifiques comme la culture des champs et l'élevage de moutons. Paradoxalement, Levshin établit que ses « lunatiques » sont les seuls êtres sains d'esprit de l'Univers.

2/William Blake
Une île sur la Lune, c.1784-1785.

Pierre Leyris mentionne, dans son Introduction aux Oeuvres de William Blake (éditions Aubier, 1974) ce « texte lacunaire et inachevé, que Blake n'a jamais dû destiner qu'au regard de quelques intimes... [...] Une île de la Lune, où "les gens sont si peu différents [des anglais] et leur langage si pareil qu'on se dirait parmi ses amis", est une énorme charge du milieu londonien que fréquentait ou qu'entrevoyait Blake et, à travers lui, des relations entre humains ainsi que des vices de l'époque. »



3/Anonyme
La lune comme elle va, ou Anecdotes intéressantes pour les habitans des contrées profondes. Ouvrage fort courru dans la Lune, & nouvellement apporté sur notre globe par un Aëronaute. Trivia, Veuve Quinteuse, 1785.

Il s'agit d'un pamphlet contre le comte Pierre-Jean Berthold de Proli, homme politique belge qui prit une part active dans les événements de la Révolution française (présenté comme un esthète, raffiné et cultivé, mais aussi spéculateur, qui fut guillotiné sous la Convention en 1794). Ce pamphlet est rédigé sous la forme d'une utopie. Voici un extrait de l'avant-propos :

« J'ai voyagé sur la lune & j'ai trouvé que ce globe & le notre semblaient directement faits pour sympathiser ensemble. Ils ont une parfaite analogie dans le physique & dans le moral. ---- Il y a sur la lune, comme sur notre globe, des mers, des détroits, des golfes, des promontoires, des îles, des presqu’îles, des continents, des montagnes , des volcans, des fleuves, des rivières, des canaux, &c. ---- Il y a plusieurs sortes de gouverneurs ; des despotiques, des monarchiques, des aristocratiques, des démocratiques. Il y en a de mixtes. On y trouve différents peuples distingués, comme ici, par les couleurs, par les langues, par les usages, par le plus ou le moins de civilisation. ----- On y fait, comme ici, la paix & la guerre. ---- On y rencontre comme ici, une infinité de sots, très peu de sages et beaucoup qui ne sont ni l'un ni l'autre. ---- On y voit les mêmes degrés dans les arts, dans les sciences, dans l'industrie, dans le commerce. ---- Il semble que les mêmes personnages, que les mêmes auteurs aient existé en même temps sur les deux globes, et qu'ils aient donné les mêmes ouvrages... »

4/Anonyme
La vision du monde angélique, 1787

Pas d'accès documentaire autre que cette note lapidaire dans Les mondes imaginaires de Camille Flammarion :
« La Lune serait habitable par des hommes ; mais c’est un petit terrain couvert de brouillards, et guère plus grand que la province d’York : ce n’est pas la peine d’en parler. »

5/José Marchena Ruiz y Cueto, dit Abbé Marchena (Séville 1763 - Madrid 1821)
Discurso IV : Parábola sobre la religión y la política entre los selenitas, 1787

La référence est extraite du périodique El Observador dont l'auteur fut également le rédacteur. En raison de la nature des textes publiés dans ce bulletin, qui expriment une étroite adhésion aux principes philosophiques des Lumières, l'auteur est inquiété par l'Inquisition et s'exile en France où il vivra en majeure partie, participant lui aussi aux événements de la Révolution française.

Homme politique, écrivain, journaliste et traducteur de Rousseau, Voltaire, Montesquieu...
Pas d'accès direct, si ce n'est en bibliothèque espagnole (mais pas de version numérisée).

6/Mikhail Chulkov
Le rêve de Kidal, 1789

Pas d'accès à l’œuvre disponible. Seul un bref aspect documentaire, tiré de l'ouvrage de Bernd Brunner : Moon. A brief history :

Dans le même esprit que son homologue russe Vasily Levshin, l'auteur présente la Lune comme un monde utopique où les biens sont partagés en commun, où les créatures animales comme la vipère, le crocodile et le tigre vivent en parfaite entente avec l'espèce humaine (vivant sur la Lune ?) En somme, La Lune est aussi différente de la terre que l'est le Paradis de l'Enfer. Cela reste un conte, pas un pamphlet, mais qui reflète sans doute une insatisfaction envers les autorités et les valeurs dominantes de l'époque.

7/Paul-Philippe Gudin de la Brenellerie (1738-1820)
De l’Univers, de la Pluralité des Mondes, de Dieu. Hypothèses (1801)

« Les habitants de la Lune n’ont aucun besoin de respirer ni de boire. S’il n’y a pas d’air atmosphérique, les sons ne peuvent s’y propager. Ces habitants n’ont donc ni oreilles, ni poumons, ni langues, ni ailes, ni nageoires. Ils ont vraisemblablement des yeux ; car la Lune est fort éclairée, surtout du côté qui regarde la Terre. »

Cité par Camille Flammarion, Les mondes imaginaires, ch. XI

Malgré mes efforts, je n'ai pas retrouvé trace de cet ouvrage pour le moins ambitieux, cité par Camille Flammarion. Gudin de la Brenellerie, auteur dramatique français, est surtout connu pour avoir été l'ami, l'éditeur et l'historiographe de Beaumarchais. Il a écrit un Supplément au Contrat social de Jean-Jacques Rousseau et la plupart de ses œuvres se trouvent à la BNF, dont un Traité d'astronomie écrit en alexandrins !

7/Antonio Marqués y Espejo (1762-?)
Viage de un filósofo a Selenópolis, 1804

Il s'agit d'une traduction et adaptation de l'ouvrage de M. de Listonai, pseudonyme de Daniel-Jost de Villeneuve (17..-17..) : Le voyageur philosophe dans un pays inconnu aux habitants de la Terre, publié en 1761 et référencé.


Nota : Le Lièvre lunaire regrette que ce supplément soit resté aussi lacunaire. Les références y sont, mais les textes manquent, soit dans l'accès aux oeuvres originales, soit dans leur possible traduction. Cette anthologie des voyages lunaires est cependant appelé à évoluer et, à ce sujet, tout effort de participation est bienvenu.