La symbolique, pas plus que les croyances populaires, ne font de différence entre le lièvre et le lapin. Pour certaines civilisations anciennes, le lièvre était un « animal de la lune » car les taches sombres que l’on peut voir sur le disque lunaire ressemblent à un lièvre en pleine course.

Encyclopédie des symboles (sous la direction de Michel Cazenave, La Pochothèque,1996)


auteur-éditeur : www.remy-leboissetier.fr

mardi 29 juin 2010

Who has stolen the air ? ZGA [some bizarre, 2007]

Le groupe ZGA a débuté à Riga dans les années 80.
En 1989 un premier album est réalisé pour Recommended Records (Chris Cutler).
En 1991, ZGA se fixe à St Petersbourg.
Issu du courant bruitiste et industriel, ZGA a su s’ouvrir et se créer, par un travail de recherche qui dure tout de même depuis bientôt 30 ans, un univers musical original accompli.

Au cœur de ZGA se trouve Nick Soudnick, musicien-compositeur-homme-orchestre, qui mène une activité intense, se consacrant à divers projets musicaux : membre du GEZ 21 (Gallery of Experimental Sound), il est producteur d’un groupe entièrement féminin, IvaNova (qui comprend Ekaterina Federova, membre de ZGA), compose également depuis 1999 pour le théâtre Akhe de St Petersbourg (musiques de scène : Faust, Tauromaquia), travaille aussi avec Alexander Lebedev-Frontov au sein de Vetrophonia et apporte sa contribution à différents artistes.

Soudnick "sculpte" la matière sonore, se sert d’instruments fabriqués, préparés, détournés. Cela produit une musique étrangement belle, puissante et aventureuse, qui n’exclut pas la forme mélodique (sans autre compromission).

Depuis 2000, les musiciens permanents de ZGA sont Ekaterina Fedorova (drums), Ramil Shamsudinov (trombone) et Valeria Kildeeva (violon). Autour d’eux, la formation évolue, selon la nature des projets.
11 albums à ce jour ; Soudnick, 6 albums sous son nom.
Le disque Who has stolen the air ? est une compilation réalisée sous le label "Some bizarre" réunissant une sélection de 16 titres de différents albums du groupe Zga et de Nick Soudnick (de 2003 à 2006); s’y intercalent 5 compositions d’une formation plus récente : FIGS (Ekaterina Federova, Alexei Ivanov, Marcus Godvin, Nick Soudnick). À leur écoute, les oreilles de votre lièvre précieux se sont spontanément dressées et, pour cette action de grâce audio-érectile, il s’est promis d’acquérir entre autres réalisations de ZGA, celle de FIGS (album NEVA WAVE).

Les réalisations de ZGA sont assez peu disponibles en France, mais on en trouvera une bonne partie sur le site de DISCOGS (paiement possible en euros).
Qu’une telle musique provienne de Russie ne peut évidemment que réchauffer le cœur.

Cette musique se caractérise par un un son puissant, usant au maximum d'amplitude et de résonance, rude et extrême, mais toujours, en même temps, finement conçue et structurée. Constituée en majeure partie de sons bruts, "noisy", certaines compositions font place à des phases d'apaisement d'une réelle beauté. Aux "gros" son industriel s'intègrent des moments de musique concrète, faite de crissements, frottements, grattages, comme des bruits d'insectes. Certains morceaux ont une forme clairement tonale et des passages mélodiques, tandis que d'autres sont entièrement dénués de tonalité. Ces pièces atonales se rapprochent des perceptions de la peinture abstraite - un genre de sensations que l'artiste nous transmet, par combinaison des formes et des couleurs, mais qu'il nous est impossible de définir précisément.
 
Bart Hopkin (excerpt from the book "Orbitones, Spoon Harps & Bellowphones", published by Ellipsis Arts).

lundi 14 juin 2010

Inventions nouvelles & dernières nouveautés [Finitude, 2009]

Né en 1874, mort à Paris en 1933, Gaston de Pawlowski fut à son époque un personnage très connu de la vie littéraire française. S’il publie peu en volumes, c’est un éclectique qui prend intérêt à tout, signant quantité d’articles de toute nature pour différents journaux, autant sportifs que littéraires (c’est un grand amateur de vélo, un goût qui le rapproche d’Alfred Jarry, son contemporain, et plus tard de Charles-Albert Cingria, autre écrivain curieux et buissonnier). Collaborateur des plus grands quotidiens de l’époque, Pawlowski est surtout connu par son livre Voyage au pays de la quatrième dimension (1912, 1923, réédition Images modernes en 2004). Ses Inventions, réunies pour la première fois de son vivant en 1916, sont de courts textes qui, sur le ton de l’humour, passent en revue les évolutions de la société moderne avec une mise à distance ironique qui en fait tout son charme. Comme l’écrit Éric Walbecq, dans sa préface au livre : ce qui sauve Pawlowski, c’est ce mélange d’humour et de spéculation scientifique qui le relie à l’école humoriste de la fin du XIXe siècle (Alphonse Allais, Willy, Félix Fénéon, l’esprit du Chat noir)) mais qui préfigure les milieux avant-gardistes (Marcel Duchamp s’est dit influencé autant par le Voyage que par les Inventions de Pawlowski).

Dès le début de l’ouvrage, Gaston de Pawlowski signale une invention modeste, sans prétentions, mais utile : >le nouveau savon antidérapant garni de clous et, plus loin, nous fait part d’une autre invention : le nouveau boomerang français, dont le bois est taillé de telle sorte que l’instrument une fois jeté sur l’adversaire, ne revient pas à celui qui l’a lancé, précisant si besoin est qu’on évite ainsi tout risque d’accident.

Mais l’occasion est donnée ici, dans le contexte de ce blog d’inspiration cuniculaire, de fournir un extrait adapté :

Les chasseurs s’intéressent, un peu partout, à un nouvel appât qu’annoncent certains catalogues d’armuriers sous ce nom : perles pour lièvres.
Il s’agit d’une petite perle en imitation, que l’on place dans les clairières et qui évoque par la forme, sinon par la couleur, l’aspect des sous-produits du lapin. Le lièvre, étonné par ces petites boules nacrées qu’il ne connaît pas, s’arrête, regarde, flaire, et rien n’est plus facile que de le tirer à ce moment-là.
Pawlowski se lance ensuite dans une digression cocasse, notant qu’il ne faut pas confondre la perle pour lièvres avec la moule perlière, qui produit les perles moulières, ainsi que les poules merlières dont il a parlé précédemment, et savoir aussi distinguer les moules merlières, imitant l’ocarina, des poules perlières qui servent en qualité de poules moulières
Votre lièvre précieux, malgré ces dangereuses "perles" dont il pourrait être l'innocente victime, vous invite à lire (ou relire) Gaston de Pawlowski, afin d'entretenir la souplesse de vos muscles zygomatiques.

        vendredi 11 juin 2010

        Lapin blanc versus lapin brun


         
        Il est évident que rien d'autre qu'un lapin blanc ne pouvait accompagner la figure souriante d'adolescente pré-pubère de Chantal Goya, contrairement au Francesco du même nom, qui nous montre l'effet complice et narquois de l'homme concupiscent.





        Votre lièvre précieux n'a pas pour but de mener une chasse symbolique aux quatre coins du monde, au risque de rendre ce blog par trop doctoral, mais de vous faire partager certains épisodes de sa quête cuniculaire et de suggérer des rapprochements qu'il estime aussi instructifs qu'amusants.

         



        Francesco Goya a aussi reproduit le lièvre de Dürer
         dans la tradition du maître et de l'élève.

        mercredi 9 juin 2010

        Le lapin blanc


            Le lapin blanc, à ne pas confondre avec le lièvre ou lapin variable, est une figure mythologique au Japon où il fait partie des divinités (kami).
            Il est surtout en Occident un symbole de pureté, par exemple dans le tableau du Titien où il est directement associé à la Vierge. Un état qui n’en est pas moins ambigu, car au-delà de cette représentation qui le montre isolé, dès que le lapin blanc se démultiplie, la valeur symbolique bascule clairement dans l'érotisme, signifiée ici par le tableau du "Triomphe de Vénus" de Francesco Del Cossa.


            Nous pouvons nous rassurer alors sur la pureté d’Alice de Lewis Carroll, désignée par la présence d’un seul de ces lapins (bien que le temps d’innocence de la fillette soit compté, celle-ci ne doit pas trop se presser à suivre l'animal, d'où les méandres de ses aventures, qui la maintiennent dans un état de rêve éveillé)


        Le lapin blanc, contrairement au lièvre qui joue dans de nombreuses civilisations le rôle de trickster, notamment chez les Amérindiens (je reviendrai plus en détail sur cette fonction, qui est une sorte de leitmotiv mythologique et folklorique), apparaît d’un caractère assez naïf et même un peu niais (toujours dans Alice, le lièvre de Mars est d’une nature plus sauvage et retorse). Enfin, si le prestidigitateur ne sort de son chapeau que des lapins de cette couleur virginale, c’est probablement que l’homme prend ainsi sa revanche sur cet animal dont la ruse est bien connue et qui l’a si souvent berné. Ce qui n'est bien sûr qu'illusion...

        mercredi 2 juin 2010

        La lune : voyages et spéculations IV [1784 > 1809]


        < 22
        Jacques-Antoine Dulaure (1755-1835)
        Le retour de mon pauvre oncle ou relation de son voyage dans la lune, 1784
        L’oncle de cette histoire, après une vive querelle avec un physicien de ses amis, est pris d’une violente colique. Son neveu lui administre un clystère empli par erreur d’un gaz inflammable. Le héros s’envole et atteint la lune. L’astre est habité par des êtres identiques aux terriens, quoique lilliputiens. L’oncle se rend à la capitale et découvre une société en apparence similaire à celle de notre planète, mais plus encore marquée par la fausseté et la fatuité. Il reviendra sur Terre après avoir construit un vaisseau mû par un énorme soufflet et porté par quatre ballons aérostatiques.

        23 >
        Louis-Sébastien Mercier (1740-1814)
        Nouvelles de la Lune, 1788
        Alors qu’il déplore la perte d’un ami très cher, au cours d’une nuit, le narrateur est frappé par la présence d’un rayon immense qui part directement de la lune. Cette flèche lumineuse trace un message qui lui révèle la présence de son ami, lequel lui révèle le secret de sa subsistance et ses nouvelles conditions d’existence sur la lune.

        < 24
        Gottfried August Bürger (1747-1794)
        Aventures et mésaventures du Baron de Münchausen, 1788
        En 1785, l'écrivain allemand Rudolf Erich Raspe recueille, ordonne et publie les récits de Karl Friedrich Hieronymus Freiherr von Münchhausen (1720-1797). Mais c’est surtout Bürger qui remodèle et "fixe" l’histoire de cet ouvrage, même s’il n’en est pas l’auteur unique : deux célèbres contemporains, Kærstner et Lichtenberg, y contribuèrent sans doute. Pour le reste, les aventures du Baron dans la lune ne sont pas sans rappeler Lucien de Samosate : comme dans son "Histoire véritable", le roi de la lune mène une guerre contre le roi du soleil, et la description des habitants s’en inspire également.

        25 >
        Louis-Abel Beffroy de Reigny (1757-1811)
        Nicodème dans la lune ou la révolution pacifique, 1791 et Constitution de la Lune, 1791
        Journaliste, auteur dramatique et poète comique français, de Reigny fait paraître entre 1785 et 1791 un journal mensuel, appelé tour à tour Les Lunes du Cousin Jacques, Le Courrier des planètes et Les Nouvelles Lunes du Cousin Jacques.
        Folie en prose et en trois actes, mêlée d’ariettes et de vaudevilles, satirique et moralisante. Deux villageois, Frérot et Lolotte, se lamentent de la tyrannie qui sévit sous le gouvernement lunaire, lorsque survient un voyageur aérien, Nicodème, qui vante à l'Empereur de la Lune les bienfaits de la révolution qui vient d'avoir lieu dans le lointain pays de France.

        26
        Aratus (pseudonyme)
        A voyage to the moon strongly recommended to all lovers of real freedom, 1793
        Sous ce nom d’emprunt (Aratus ou Aratos de Soles fut un poète et astronome grec du IIIe siècle av. J.-C.) se cache un écrivain demeuré anonyme. L’ouvrage figure dans le volume IV de « Modern British Utopias, 1700–1850 » (Gregory Claeys, 1997).

        27
        Pierre Gallet (1698-1757)
        Voyage d’un habitant de la Lune à Paris à la fin du XVIIIe siècle, 1803
        Après Claude Crébillon, un autre cas de voyage inverse, de la Lune à la Terre : Alphonaponor, roi de la lune, atterrit on ne peut plus simplement sur notre planète au moyen de deux éléphants ailés. Tableau satirique et conte moral.

        < 28
        Washington Irving (1783-1859)
        The conquest of the moon, 1809
        Une histoire d’invasion d’un genre allégorique, concernant le traitement appliqué aux natifs d’Amérique par les émigrants européens.

        à suivre...