La symbolique, pas plus que les croyances populaires, ne font de différence entre le lièvre et le lapin. Pour certaines civilisations anciennes, le lièvre était un « animal de la lune » car les taches sombres que l’on peut voir sur le disque lunaire ressemblent à un lièvre en pleine course.

Encyclopédie des symboles (sous la direction de Michel Cazenave, La Pochothèque,1996)


auteur-éditeur : www.remy-leboissetier.fr

jeudi 30 décembre 2010

The Three Hares project

En mai 2010, je publiais un article intitulé La chasse de Vénus, au sujet d’un motif graphique représentant la course circulaire de trois lièvres, figure d’un mouvement perpétuel tiré d’un ouvrage traitant de l’alchimie.
Votre lièvre précieux, curieux de ce motif, entreprit d’en savoir plus, ce qui lui fit découvrir le travail remarquable d’une équipe de chercheurs, composée du Dr Tom Greeves (historien et archéologue), de Sue Andrew (chercheur en histoire de l’art) et Chris Chapman (photographe documentaire), avec la collaboration de Michel Terrier (le bien nommé) qui se définit comme "chasseur de trois-lièvres".

"Manifestement, le motif des Trois Lièvres était vénéré dans tous les contextes où on le croise mais nous n’avons pas, à l’heure actuelle, trouvé de trace de sa signification dans les écrits contemporains. On peut s’attendre à ce que ce motif ait eu un sens différent dans les différentes cultures mais, en tant qu’archétype, peut-être y avait-il un élément de sens commun à toutes.

Le lièvre est fortement représenté dans la mythologie mondiale et il est associé au divin depuis les temps anciens. Sa nature fuyante et son comportement étrange, en particulier la nuit, ont renforcé sa réputation de créature magique. Le lièvre, croyait-on, avait des liens mystiques avec le cycle féminin et avec la lune qui le régit.

La théorie des Anciens selon laquelle le lièvre est hermaphrodite et capable de procréer sans partenaire a conduit à croire qu’il pouvait donner naissance à ses petits sans perdre sa virginité. Dans les contextes chrétiens, les trois lièvres peuvent être associés à la Vierge Marie et à son rôle dans la rédemption de l’humanité. Cela pourrait expliquer pourquoi, dans les églises d’Europe de l’ouest, une sculpture en bosse des trois lièvres est souvent juxtaposée à celle de l’Homme Vert (qui symbolise, croyons-nous, le cycle de la renaissance), peut-être comme représentation de l’humanité pécheresse.

Aucune preuve ne vient valider l’existence d’un lien entre le motif des Trois Lièvres et les Mineurs de Dartmoor. Lorsque, parfois, on le décrit comme la "Chasse de Venus", il s’agit apparemment d’une mauvaise interprétation d’une illustration d’alchimiste publiée dans un livre de Basile Valentin aux alentours de 1600. L’association de ce motif à la Trinité Chrétienne est, semble-t-il, bien postérieure à la création de cette image."

© The Three Hares Project - Chris Chapman (traduction Hélène Hory)

Le site de Chris Chapman, rubrique "Three hares project" : présente également différentes reproductions du motif des trois lièvres, provenant principalement d’édifices religieux d’Angleterre et d’Europe continentale

lundi 20 décembre 2010

Cœur de bœuf brisé


Don Van VLIET alias Captain Beefheart
est mort vendredi 17 décembre en Californie
à l'âge de 69 ans.
Et forcément, le lièvre de jade a un peu le blues...

La lune : voyages et spéculations VI [1864-1869]

    à l’image de Camille Flammarion, figure "prométhéenne" du savant et infatigable pédagogue, mais surtout dans la suite d’un romancier tel que Jules Verne, la fin du XIXe siècle marque un net changement, une rupture même : la fantaisie, le merveilleux cèdent la place à des livres d’instruction et de vulgarisation, récits d’aventure et romans populaires où l’imaginaire scientifique domine (littérature qui allait par la suite fonder un nouveau genre, sous le terme de "science-fiction"). Nous sommes loin en effet des "divagations" de Lucien de Samosate, Cyrano de Bergerac, Tiphaigne de la Roche, et même de la veine comique qui prévalait encore dans les Aventures du Baron de Münchausen quelques quatre-vingts ans plus tôt. Il est vrai que la lune se "rapproche" et que son aspect se précise, grâce aux progrès techniques (dont Flammarion tempère cependant les exploits, ironisant sur l’annonce d’un puissant télescope qui devait montrer "La Lune à un mètre", présentée comme le scoop de l’Exposition universelle de 1900). Quoi qu’il en soit, nous sommes parvenus à un point de l’histoire qui fait déjà pressentir la réalité physique de l’homme sur la Lune, qui se concrétisera un siècle plus tard. L’esprit scientifique prédominant, quasi religieux de cette époque, entraîne la littérature vers une approche plus rationnelle et l’oblige dans le même temps à se transporter au-delà, en quête d’autres "ailleurs".

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Camille Flammarion (1842-1925)
Les mondes imaginaires et les mondes réels, 1864
Véritable missionnaire de la science, Camille Flammarion a écrit de nombreux et volumineux ouvrages sur l’astronomie (mais pas seulement : il s’intéressait aussi à la philosophie occulte et aux communications mediumniques). Ouvrages théoriques et de vulgarisation, n’empêchant pas d’audacieuses investigations d’ampleur cosmique, liant la science à l’imagination. Son livre intitulé "Uranie" (il s’agit d’une statuette en bronze qui décore une pendule) est l’un des rares où il emprunte la voie de la fiction, prétexte à un rêve de voyage avec la Muse de l’astronomie, qui le transporte hors de notre système solaire, jusque dans la galaxie d’Andromède où vivent des êtres aériens, qui sont des espèces androgynes, et poursuivant son périple bien au-delà, dans l’infinité des mondes. Auparavant, le héros de cette aventure, passant dans le voisinage de la Lune, aurait bien voulu s’y arrêter, mais Miss Uranie dédaigne "y jeter même un simple regard". Dommage ! Nous ne retiendrons pas Flammarion pour notre sujet.
Néanmoins, ce qui retient l’attention sur Flammarion et justifie son intégration dans le contexte de nos voyages lunaires, c’est son imposant ouvrage Les mondes imaginaires et les mondes réels ; pour son premier chapitre d’abord, Astronomie des habitants de la Lune, où il spécule sur l’existence réelle ou fictive des Sélénites, puis pour sa deuxième partie, intitulée Revue critique des théories humaines sur les habitants des astres, qui compile diverses théories de philosophes, savants et penseurs sur la pluralité des Mondes et l’existence extraterrestre, de l’Antiquité orientale et occidentale aux civilisations grecque et latine jusqu’à son siècle, sans omettre les principaux récits de voyages imaginaires. Une belle somme documentaire pour un lièvre lunaire… et autres rêveurs associés.

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Jules Verne (1828-1905)
De la terre à la Lune, 1865
Dans ce roman d'aventure et d'anticipation, Jules Verne imagine une aventure extraordinaire et palpitante : après la fin de la Guerre de Sécession, le Gun Club de Baltimore aux États-Unis tente d'envoyer un obus habité par trois hommes sur la Lune ! L'œuvre, qui innove par son parti pris scientifique plutôt que moral ou merveilleux, est devenue une référence dans le domaine de la science-fiction, adaptée de nombreuses fois à l'écran, pour le cinéma et la télévision.
Source Wikipedia

Rappelons que le roman se termine en forme de suspense - on ne saurait mieux dire – puisque le projectile se maintient en orbite autour de la Lune comme un satellite, ce qui conditionne la suite des aventures : "ou l’attraction de la lune finira par l’emporter, et les voyageurs atteindront le but de leur voyage, ou bien le projectile gravitera autour du disque lunaire jusqu’à la fin des siècles…"

Autour de la lune, 1869
En dépit de ses invraisemblances et de ses erreurs, le roman s'est avéré étonnamment prémonitoire par rapport à la mission Apollo 8 : l'initiative du voyage dans la Lune a bien été prise par les Américains, le départ de la mission américaine a eu lieu à Cap Canaveral, à quelques centaines de kilomètres seulement de l'endroit choisi par Verne en Floride, non pour les raisons qu'offre l'auteur, mais parce que la vitesse supérieure de rotation de la terre à cet endroit y est plus favorable. Il y a bien eu trois astronautes à bord de la capsule, et la mission a duré un peu moins d'une semaine, comme celle de Michel Ardan et ses amis. Enfin au retour, l'engin se retrouve dans l'océan après avoir effectué une orbite lunaire.
Source Wikipedia

Nous retrouvons les trois voyageurs en orbite, à une distance estimée de mille quatre cents kilomètres de la lune. Dans un premier temps, ils se rapprochent et passent au pôle sud de l’astre, jusqu’à moins de soixante kilomètres, mais à la suite de perturbations météoriques, leur trajectoire se modifie et les éloigne de la lune promise, comme "Moïse de la terre de Chanaan"… Les voyageurs, cherchant à savoir si des êtres vivants sont présents dans le monde lunaire, soulèvent deux questions : "La lune est-elle habitable ?" et "La Lune a-t-elle été habitée ?" Ils concluent à la première par la négative, à la deuxième par l’affirmative.

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Edward Everett Hale (1822-1909)
La lune de brique [The brick moon], 1869
Cet ouvrage relève plus généralement de la "littérature spatiale" que de notre anthologie des voyages lunaires : il s’agit en fait de la première représentation d'une station orbitale, sphère de soixante mètres de diamètre en briques, lancée par accident avec trente-sept ouvriers à son bord, lesquels s'organisent paisiblement en société idyllique et se désintéressent progressivement des affaires terrestres.

D’après La Colonisation de l'espace, Volume de la série Voyage à travers l'Univers, par les rédacteurs des éditions Time-Life, 1990 (édition française sous la direction de Dominique Aubert. Consultant Jean-Pierre Verdet.Traduction Bernard Loubières)

mardi 14 décembre 2010

Après Copernic

Longtemps après Copernic, nous nous accrochons à "coucher de soleil" et "lever de soleil". (Les débarquements sur la lune auraient dû conduire la raison à parler de "lever de terre" et de "coucher de terre".)
 
Errata, George Steiner [Folio Gallimard 3430]

dimanche 12 décembre 2010

Chewing Hides the Sound + Greener Postures, Snakefinger [Euro Ralph, 1999]

Philip Charles "Snakefinger" Lithman (1949-1987)
 
Né à Londres, issu de la scène du "British Blues", le musicien Philip Lithman, dit Snakefinger, fait la rencontre à San Francisco du groupe américain The Residents et participe à leurs premiers concerts et enregistrements studio.
 
De retour à Londres en 1972, il forme un groupe de "pub-rock", Chilli Willi & The Red Hot Peppers, qui durera jusqu’en 1975.

En 1976, il repart aux États-Unis et vit à Los Angeles, puis retourne en 1978 à San Francisco où il reprend une collaboration plus régulière avec The Residents.

Entre 1979 et 1980, deux disques sont produits sous son nom, sur le label Ralph Records des Residents (et avec leur collaboration musicale). La même année, au cours de concerts en Australie, Snakefinger est victime d’une crise cardiaque qui l’oblige à rester hospitalisé pendant six mois.
En 1982, Lithman entreprend une série de concerts avec une nouvelle formation, Snakefinger’s Vestal Virgins, dans laquelle figure notamment Eric Drew Feldman, ancien membre du Magic Band de Don Van Vliet (alias Captain Beefheart).
Avec cette même formation, il enregistre Manual of Errors (Ralph records,1982), suivi d’un album de reprises de blues, Snakefinger's History of the Blues: Live in Europe (Rough Trade, 1984) puis de nouvelles compositions originales, Night of Desirable Objects (T.E.C. Tones,1986)
 


En 1985-1986, Snakefinger est associé à The Residents pour leur tournée mondiale, "13th Anniversary Show". 
 
L’enregistrement public réalisé à Tokyo permet de se rendre compte de la forte présence du guitariste au sein du groupe en concert.


 
En 1987, en Autriche, au cours d’un tour d’Europe, une nouvelle crise cardiaque lui est fatale. Il avait 38 ans. The Residents enregistre un hommage intitulé Snakey wake en 1988.

samedi 11 décembre 2010

Le lièvre et les grenouilles

    Pas si gaillard, l’animal ! Qui s’en étonnerait ? Depuis la nuit des temps, je suis sur le qui-vive, on en veut à ma fourrure autant qu’à ma chair ! De mémoire de lapin ou de lièvre, l’expérience impose une infinie prudence. Le fabuliste me désigne comme un animal peureux, mais ajoute "en bonne foi que les hommes ont peur comme moi". Certes, je suis craintif à force de méfiance, mais je sais me montrer plein de vaillance, face à la meute, et dérouter mes prédateurs de façon ingénieuse.


 
LE LIEVRE ET LES GRENOUILLES

Un Lièvre en son gîte songeait
(Car que faire en un gîte, à moins que l'on ne songe ?) ;
Dans un profond ennui ce Lièvre se plongeait :
Cet animal est triste, et la crainte le ronge.
"Les gens de naturel peureux
Sont, disait-il, bien malheureux.
Ils ne sauraient manger morceau qui leur profite ;
Jamais un plaisir pur ; toujours assauts divers.
 
Voilà comme je vis : cette crainte maudite
M'empêche de dormir, sinon les yeux ouverts.


Corrigez-vous, dira quelque sage cervelle.
Et la peur se corrige-t-elle ?
Je crois même qu'en bonne foi
Les hommes ont peur comme moi."
Ainsi raisonnait notre Lièvre,
Et cependant faisait le guet.
Il était douteux, inquiet :
Un souffle, une ombre, un rien, tout lui donnait la fièvre.

Le mélancolique animal,
En rêvant à cette matière,
Entend un léger bruit : ce lui fut un signal
Pour s'enfuir devers sa tanière.
Il s'en alla passer sur le bord d'un étang.
Grenouilles aussitôt de sauter dans les ondes ;
Grenouilles de rentrer en leurs grottes profondes.
"Oh! dit-il, j'en fais faire autant
Qu'on m'en fait faire ! Ma présence
Effraie aussi les gens ! je mets l'alarme au camp !

Et d'où me vient cette vaillance ?
Comment ? Des animaux qui tremblent devant moi !
Je suis donc un foudre de guerre !
Il n'est, je le vois bien, si poltron sur la terre
Qui ne puisse trouver un plus poltron que soi."
 
Jean de La Fontaine
(1621-1695)
illustration de Gustave Doré


mercredi 1 décembre 2010

Anthropophilie du lagomorphe [ou de l'humanité du lapin]






HARVEY
Film de Henry Koster, 1950
d'après l'œuvre dramatique de Mary Chase








Mr RABBIT AND THE LOVELY PRESENT
 Maurice Sendak, illustrateur
by Charlotte Zolotov