La symbolique, pas plus que les croyances populaires, ne font de différence entre le lièvre et le lapin. Pour certaines civilisations anciennes, le lièvre était un « animal de la lune » car les taches sombres que l’on peut voir sur le disque lunaire ressemblent à un lièvre en pleine course.

Encyclopédie des symboles (sous la direction de Michel Cazenave, La Pochothèque,1996)


auteur-éditeur : www.remy-leboissetier.fr

mercredi 10 octobre 2012

Les 7 types en or : Paul Bourgoignie [1915-1995]

Paul Bourgoignie (photo Etienne Lecomte)
Ce personnage discret […] est peut-être le moins cité des surréalistes belges.
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Si l'on retrouve son nom au bas de l'un ou l'autre manifeste et dans quelques numéros de revues, sa bibliographie est peu abondante, ses apparitions rares et sa parole quelque peu voilée.
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En dehors de quoi, Paul Bourgoignie paraît être, comme plusieurs autres auteurs, un cas assez significatif de fidélité et d'éclectisme conjugués. Sans qu'il cesse d'affirmer très clairement son appartenance au groupe surréaliste, en effet, on trouvera son nom - et bien davantage : sa participation active – dans diverses composantes de la «Belgique Sauvage», appellation inventée en 1971 par la revue Phantomas. Ainsi Bourgoignie participera-t-il très régulièrement aux activités de Phantomas (au point d'en être sacré « type en or » en 1969), au Daily Bul et à diverses publications.

Joseph Noiret, dans son texte publié dans La Belgique sauvage, cite Paul Bourgoignie à plusieurs reprises : d’abord, comme faisant partie, dès 1947, du surréalisme-révolutionnaire en Belgique, puis du mouvement COBRA, formé fin 1948 et qui se dissoudra volontairement en 1951. En dehors de son activité poétique, Paul Bourgoignie était architecte, mais exerça sa profession de dessinateur au service des autres.
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Une part importante des textes de Paul Bourgoignie antérieurs à 1979 a été reprise dans La brouette aux longs-courts ; ainsi y retrouve-t-on, moyennant quelques mises au point, la quasi-intégralité de Moroses Mots Roses (1968), de Lettres en jeux / Jeux de l'être (1969), et des Lettres de mon moulin /Exercice des lettres pour petites polices (1971) et de nombreux textes publiés en revue.

La brouette aux longs-courts reprend aussi bien des proses poétiques (dans une ligne assez semblable à celle de Marcel Lecomte) que des poèmes strictement surréalistes, des pseudo-aphorismes, des jeux de mots, des notations qui tiennent de la page de journal, des notes de lecture, des textes théoriques, etc.

On complètera la connaissance de Paul Bourgoignie par l'article sur Les Lèvres Nues (dans La Belgique Sauvage). Ce texte paraît particulièrement important pour situer et comprendre la trajectoire qui a été évoquée au début de cet article. Bourgoignie y écrit notamment : «L'expérience surréaliste en Belgique s'est servie de publications multiples ; il y eut des revues, des tracts et des livres. S'il est possible d'en dégager des caractères qui les ramènent à des traits fondamentaux communs, cela dépendra moins d'une relativement courte période où il y eut un groupe constitué se concertant que d'un attachement à la rigueur accordée aux relations entre pensée et action de la part de leurs animateurs ».

Une autre clé, plus énigmatique et plus intime à la fois, se trouve dans un long texte, sous forme de lettre à Théodore Koenig, datée du 6 décembre 1968, repris dans La brouette aux longs-courts après avoir été publié dans le numéro 94-98 de Phantomas. Sous le titre «Parlez-moi de vos lectures», Bourgoignie produit un pêle-mêle littéraire où se retrouvent à la fois Amenophis, le Daily-Bul, les Mémoires d'Hadrien, Mariën, Broodthaers, Sade, l'Almanach du Père Sirius, le journal Spirou, Marivaux, l'Abbé de Choisy, la princesse Palatine, San Antonio, G.H. Hall (un auteur policier publié par le Fleuve Noir), E.V. Cunningham, etc. Étonnante coupe de la mémoire !

Ne lisons-nous pas tous autant que nous sommes, ce que nous indiquent des amis lorsque leurs goûts, ou quelques côtés particulièrement fins de leur personnalité ont fait que nous y soyons attentifs ou intéressés ? Cela va souvent plus loin que la simple curiosité. Le titre d'un livre suggéré par l'un ou l'autre de ces amis-là, plus que retenu, nous aura mis l'eau à la bouche. Nougé, Scutenaire, Lecomte et d'autres m'ont fait rencontrer des auteurs dont nulle revue ne parle plus, qui m'ont ravi.

Nougé, Lecomte, Scutenaire : ces trois aînés, figures essentielles du surréalisme bruxellois, ont contribué à former la sensibilité de Paul Bourgoignie - et sans doute, une certaine raréfaction de l'air qu'il s'est toujours plu à respirer ; pour parler vite, on pourrait dire qu'on retrouve chez Bourgoignie la rigueur hautaine de Nougé, la minutie bouleversée de Lecomte et la dérision fulgurante de Scutenaire.

Aucune bibliographie systématique ne semble avoir été faite de l'œuvre de Paul Bourgoignie ; on en est réduit, ainsi, à consulter ses propres collections et souvenirs.

Il reste à parcourir une œuvre dont la partie la mieux émergée se retrouve dans La brouette aux longs-courts […] Quelques textes en prose, d'abord, où s'inscrit, depuis les Illuminations, une des meilleures parts de la sensibilité contemporaine. En Belgique, Marcel Lecomte y a excellé, marquant de son influence le mouvement surréaliste tout entier, et bien au-delà. Le ton particulier qu'y apporte Bourgoignie est celui d'une sentimentalité extrême tempérée par la dérision -le coup de pied que se donne immanquablement Charlie Chaplin - et l'attention portée aux détails les plus intimes de la vie quotidienne.

Les poèmes de Paul Bourgoignie s'inscrivent bien évidemment dans la perspective du «beau comme» de Lautréamont, ou de la fameuse définition de Breton : « Le surréalisme repose sur la croyance à la réalité supérieure de certaines formes d'associations négligées jusqu'à lui, à la toute puissance du rêve, au jeu désintéressé de la pensée». Il serait sans doute abusif de lier les poèmes de Bourgoignie à une écriture automatique qu'à vrai dire le surréalisme a moins pratiquée qu'il ne le prétend, et dont Breton a bien montré les limites (Du surréalisme en ses œuvres vives, 1953) ; et d'ailleurs, on ne saurait assez méditer la recommandation de Nougé : 

« Exégètes, pour y voir clair, rayez le mot surréalisme ».
(Histoire de ne pas rire, Bruxelles, Les Lèvres nues, 1956)

  Extraits du texte de Pierre Puttemans, Paul Bourgoignie, le surréalisme, le Daily Bul et Phantomas 
publié dans l’excellente revue Textyles - N°8, Surréalismes en Belgique
 
Portrait du poète Paul Bourgoignie par René Magritte

Il est à noter que Paul Bourgoignie apparaît, sous les traits de Sigmund Freud, dans le film de Marcel Marïen L'Imitation du cinéma, dont Tom Gutt est l'acteur principal, farce érotico-freudienne contre l'Église, qui provoqua lors de sa projection le 15 mars 1960 un scandale suivi le 17 d'une plainte déposée au parquet de Bruxelles. Le film sera encore projeté à Liège, à Anvers dans une salle des fêtes et à Paris au Musée de l'Homme puis, la demande d'autorisation repoussée, interdit en France en février 1961.

À la fin de son texte, Pierre Puttemans écrit que « la part la plus singulière des œuvres de Paul Bourgoignie est constituée de jeux de mots graphiques ou auditifs - débusquages de sens et de contresens dans la langue, aiguisés par la dérision ». En voilà quelques exemples :

D’un abécédaire à un crabe dédié

Cellier rose de la sorcellerie

Boulevardier
Au bordel ivre

Anagrammes, Lettres de mon moulin

Mieux vaut
un compromis 
que deux comprimés.
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Chassez le naturel
il revient aux Galapagos.
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Un laveur de vitres en costume à carreaux.
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Tout ridé comme
un vieux complice.
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La loi du clerc obscur.
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Un carnet de maladresses.

Courtes pointes II, Chapeaux forts et châteaux formes

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