La symbolique, pas plus que les croyances populaires, ne font de différence entre le lièvre et le lapin. Pour certaines civilisations anciennes, le lièvre était un « animal de la lune » car les taches sombres que l’on peut voir sur le disque lunaire ressemblent à un lièvre en pleine course.

Encyclopédie des symboles (sous la direction de Michel Cazenave, La Pochothèque,1996)


auteur-éditeur : www.remy-leboissetier.fr

mardi 2 octobre 2018

La Lune : voyages et spéculations, supplément III [1724-1770]

1/Diego Torres Villaroel (1693-1770) : Viaje fantastico del Gran Piscator de Salamanca, 1724

Né en 1694 à Salamanque, dans un milieu de petits boutiquiers, dont de nombreux libraires. Très vite s'éveille en lui une vocation littéraire qui se manifeste d'abord par le pastiche (Góngora et Quevedo sont ses modèles préférés), et un goût prononcé pour de turbulentes mystifications qui le conduiront à plusieurs reprises à prendre le large. Il est attiré aussi par les mathématiques et l'astrologie, matières qu'il enseignera à partir de 1726 à l'Université de Salamanque. Dès 1718, il publie un almanach qui fera de lui El Cran Piscator de Salamanca, le plus célèbre pronostiqueur de la péninsule.

Principalement connu pour une autobiographie qui s'échelonne de 1743 à 1758, Torres de Villaroel débute par l'écriture romanesque, qui lui offre une échappée vers l'imaginaire. Parmi ses œuvres de pure fiction, outre El viaje fantástico del Gran Piscator de Salamanca (1721), citons El correo del otro mundo al (gran Piscator de Salamanca (1725), El ermitaño y Torres (1726), Visiones y visitas de Torres con Don Francisco de Quevedo por la Corle 1727-28), La barca de Aqueronte (1731).
Dans le Voyage fantastique – largement inspiré de l'Iter extaticum de Athanasius Kircher – il sert de guide, à travers les espaces terrestres et interstellaires, à une troupe d'élèves zélés et attentifs. Il est celui qui sait ; nouveau Cyrano, il décrit à ses étudiants émerveillés et inquiets la mécanique du cosmos.

Extrait de Diego Torres Villaroel - Une autobiographie permanente, Guy Mercadier (université de Provence)

 
2/Captain Samuel Brunt (pseudonyme) : A voyage to Cacklogallinia, with a Description of the Religion, Policy, Customs and Manners, of that country, 1727

Ce bref roman est conforme à l'image de beaucoup de voyages lunaires d'avant le 19e siècle : plein d'une satire mordante, de hautes aventures et de railleries relevant d'un profond mépris pour tout ce qui a trait à la science. Sous le pseudonyme de Capitaine Samuel Brunt, le héros est emporté un jour sur la lune par les étranges habitants du pays de Cacklogallinia : des gallinacés géants et intelligents...
 
L'ouvrage, écrit sous le pseudonyme du capitaine Samuel Brunt et que l'on attribue quelquefois à Swift, raconte que les habitants de Cacklogallinia, endettés et démunis, décidèrent d'envoyer sur la Lune un émissaire afin d'y trouver de l'or et de l'argent.
Un curieux frontispice gravé en taille-douce montre le député confortablement installé dans un palanquin tiré et escorté par des coqs géants, s'envolant à destination de la Lune.
 
3/Ralph Morris : A Narrative Life and Astonishing Adventures of John Daniel, 1751

John Daniel, un forgeron de Royston, subit continuellement les avances de sa voluptueuse belle-mère. Pour éviter d'en arriver à une fâcheuse situation qui le mettrait en conflit avec son père, John s'embarque à destination des Moluques. En route, le bateau fait naufrage et les seuls survivants sont John Daniel et une autre personne qui s'avère être une femme déguisée en homme. John et cette femme – nommée Ruth – se sont échoués sur une île inconnue et inhabitée, quelque part près de Java. L'eau fraîche, le gibier s'y trouvent en abondance, ainsi que des abris naturels, c'est pourquoi John et Ruth nomment le lieu Île de la Providence. Le couple organise leur propre cérémonie de mariage et commence à avoir des enfants...
Les années passant, nos deux héros ont six fils et cinq filles. Comme chaque navire approchant de la côte subit un naufrage qui ne laisse aucun survivant, la famille abandonne tout espoir de sauvetage. Ayant atteint la puberté, cinq des fils et cinq des filles se sont mariés entre eux. Le fils resté célibataire, Daniel (Daniel Daniel), possède un don d'invention et fabrique une machine volante. Sa forme générale ressemble à l'un de nos aéroplanes mais les ailes, faites de cuir, sont munies de tubes de métal et actionnées par une pompe.

John insiste pour accompagner son fils à l'exercice d'envol de son « aigle mécanique ». La machine volante fonctionne aussi bien et même mieux que son inventeur pouvait l'espérer. L'engin est si solide et rapide qu'il finit par emporter le père et le fils et les mener jusqu'à la Lune.
La Lune – comme dans la plupart des ouvrages de proto-science-fiction – possède une atmosphère respirable, des forêts, montagnes et océans. Les habitants sont de très minces humanoïdes pourvus de fourrure. Ce peuple lunaire cultive un arbre dont les feuilles peuvent se mâcher et subvenir ainsi à la faim et la soif. John et Daniel font une grande provision de ces feuilles et reprennent leur vol vers la Terre.
Nos aventuriers dévient de leur trajectoire et atterrissent par erreur sur une île au large de l'Atlantique sud. Sur cette île, ils rencontrent une tribu de mutants dotés de mains et pieds palmés. Tous les membres de cette tribu sont issus de l'union d'une femme humaine et d'une créature marine satyriasique, vaguement humanoïde. La tribu parle l'anglais comme leur mère et se révèlent très accueillants. Leur conformation leur permet de nager plus vite que les humains et d'attraper facilement du poisson pour se nourrir.
John et son fils retournent à leur machine pour s'envoler à nouveau, mais le contrôle de ce puissant engin est toujours difficile et cette fois, le duo finit par atterrir en catastrophe en Laponie. John et Daniel consulte un chamane qui leur dit que Ruth est morte et qu'une guerre civile a dévasté l'île paradisiaque, faisant périr leurs nombreux enfants et petits-enfants.
Les deux héros essaient de retrouver le chemin de l'île de la Providence, mais le fils Daniel meurt dans un accident. John Daniel, sous le coup de ce mauvais sort, est un homme brisé. Installé en Angleterre, il y mourra après avoir raconté ses aventures à Ralph Morris, l'auteur de cette histoire.

Traduction d'après : © Edward Wozniak and Balladeer’s Blog, 2010.

4/Saverio Bettinelli (1718-1808) : Il Mondo della Luna, 1754

Poème héroïco-comique composé de douze chants.













5/Emmanuel Swedenborg (1688-1772) : Les merveilles du ciel et de l’enfer et des terres planétaires et astrales, 1786

« L’une des assertions les plus originales de l’extatique de Stockholm est ce passage à propos des habitants de la Lune, qui parlent d’autant plus fort qu’ils sont insignifiants. « Leur voix, poussée de l’abdomen comme une éructation, produit un bruit semblable à celui du tonnerre. Je perçus que cela venait de ce que les habitants de la Lune parlent, non pas du poumon, comme les habitants des autres Terres, mais de l’abdomen, au moyen d’un certain air qui s’y trouve resserré ; et cela parce que la Lune n’est pas entourée d’une atmosphère de même nature… J’ai été instruit que les Esprits de la Lune représentent dans le Très-Grand Homme le cartilage scutiforme ou xiphoïde auquel par devant sont attachées les côtes, et d’où descend la bandelette blanche qui est le soutien des muscles de l’abdomen.

(Camille Flammarion, Les mondes imaginaires, § 11)

Ajoutons à cette description que les habitants de la Lune ont la taille d'un enfant de sept ans, mais avec un « corps plus formé et plus robuste », qu'ils ressemblent enfin à des Nains.
 
6/Filippo MORGHEN (1730-1807) : Dix gravures fantastiques, tirées de l’œuvre John Wilkins et publiées sous le titre Life on the moon in 1768 (Naples, c. 1770)



Graveur florentin d'origine allemande, parti à Naples sur l'invitation de Charles de Bourbon. À la demande de Sir William Hamilton, il réalisa cette série de gravures composées sur la base du texte original de John Wilkins (1614-1672) Le monde dans la lune, divisé en deux livres, entre 1638 et 1640 et dont l'édition complète est publiée en 1656.
 

7/Alexis-Jean Le Bret (1693-1779) : La nouvelle Lune – Histoire de Pœquilon, 1770

 
Le génie tutélaire de la Lune, Sélénos accorde à Poequilon, lors de sa naissance sur cet astre, à Verticéphalie, capitale de l’Empire du même nom, le don de pouvoir, dès l’âge de 14 ans, réaliser tous ses vœux, sous réserve de 3 conditions : il ne pourra pas souhaiter s’approprier le bien d’autrui ; et deux années au moins devront s’écouler entre un vœu exaucé et le suivant.
Poequilon demande et obtient à l’âge de 14 ans une montagne d’or. Il la dépense vite, et, sur le conseil de l’alchimiste Chrysope, il demande et obtient 2 ans plus tard la pierre philosophale qui lui permettra désormais d’avoir toujours à sa disposition autant d’or qu’il en voudra. Sa nouvelle opulence ayant peuplé son sérail de maîtresses sans nombre, il formule dès qu’il le peut son troisième vœu : la fontaine de Jouvence. Soudainement rajeuni il n’est plus reconnu de personne et notamment des gardiens de son sérail, qui, pour se prémunir contre les exigences que sa nouvelle jeunesse lui font manifester, le réduisent à la nature et aux fonctions des eunuques.


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