La symbolique, pas plus que les croyances populaires, ne font de différence entre le lièvre et le lapin. Pour certaines civilisations anciennes, le lièvre était un « animal de la lune » car les taches sombres que l’on peut voir sur le disque lunaire ressemblent à un lièvre en pleine course.

Encyclopédie des symboles (sous la direction de Michel Cazenave, La Pochothèque,1996)


auteur-éditeur : www.remy-leboissetier.fr

jeudi 23 mai 2013

Sîn (Su'en), Nanna(r) [Mésopotamie]

Les divinités de la mythologie proche-orientale sont assez difficiles à cerner : elles sont en quelque sorte à l'image des anciens peuples sémitiques nomades et se déplacent en fonction de frontières elles-mêmes mouvantes, des différents royaumes et grands centres des civilisations qui se sont succédé (du nord au sud : Assur, Babylone, Uruk et Ur, proche du golfe persique). Il faut bien sûr tenter d'y voir un peu plus clair en se replaçant dans la géographie du Proche-Orient ancien, qui couvre une aire très importante : du Levant à l'ouest, la Mésopotamie à l'est (avec son grand centre que fut Babylone et l'ancien royaume d'Assyrie), l'Anatolie au nord et l'Égypte au sud-ouest (le delta de la Basse-Egypte), un ensemble parfois élargi à la péninsule Arabique, le Caucase et la frange méridionale de l'Asie centrale. La zone de définition contemporaine du Proche-Orient, issue de l'idéologie coloniale, ne recouvre d'ailleurs qu'une partie de ce qui est appelé historiquement le Proche-Orient ancien. Quoiqu'il en soit, et malgré les multiples études, les contours géographiques de ce Proche-Orient ancien restent assez floues... Si, pour des raisons pratiques, on veut donc s'imposer un cadre minimum, on prendra en compte les quatre aires suivantes :

1. Le Levant, c'est-à-dire les pays bordant la côte orientale de la mer Méditerranée : en premier lieu le Liban et la Syrie (les États du Levant au sens français) ; mais la région du Levant inclut également la Palestine, Israël, la Jordanie, voire l'Égypte. Nous avons là, approximativement, les anciens contours géographiques du royaume de Phénicie.

2. La Mésopotamie, qui désigne « le pays entre deux fleuves », le Tigre et l'Euphrate, correspond en majeure partie à l'Irak actuel, ainsi qu'à la région nord-est de la Syrie (ancien royaume d'Assyrie). Parallèlement, le terme de Babylonie désigne le sud de la Mésopotamie, c'est-à-dire la plaine mésopotamienne. Au IIIe millénaire avant J.-C, la Basse Mésopotamie est divisée entre deux ethnies : les Sumériens, dont on ne connaît pas l'origine, parlant une langue sans parenté connue, et une population sémitique que l'on appelle par commodité les Akkadiens, qui formeront eux-mêmes des groupes importants (Ammorites et Araméens). A partir de la moitié du IIe millénaire avant notre ère, la région connaît deux entités politiques, dont l'une a pour capitale Assur — c'est l'Assyrie — et l'autre qui a pour capitale Babylone — c'est la Babylonie.

3. L'Anatolie : le terme vient du grec et signifie littéralement « lever de soleil ». Elle représente la plus vaste zone asiatique de la Turquie (près de 97% du territoire, les 3% restants étant une partie de la Thrace historique européenne, située au-dessus de la mer de Marmara, qui comprenait une partie de la Bulgarie). Parmi les civilisations et les peuples qui ont vécu en Anatolie, citons : les Hattis, les Hittites, les Hourrites, les Phrygiens, les Cimmériens, les Grecs, les Arméniens, les Perses, les Galates (peuple celte), les Romains (hellénisés et christianisés en Byzantins) et les Ottomans. La plus importante des civilisations qui s’y développa fut celle des Hittites (ce sont eux qui vont faire une découverte encore plus importante que le bronze, l'étain et le plomb : en chauffant certaines pierres rouges, ils vont découvrir le fer).

4. L'Iran, c'est-à-dire l'ancien Empire de Perse, à propos duquel il serait vraiment trop long de s'étendre ici. Il suffit de rappeler qu'au au Ve siècle av. J.-C., les souverains achéménides règnent sur des territoires couvrant approximativement ceux des pays actuels suivants: Iran, Irak, Arménie, Afghanistan, Turquie, Bulgarie, Grèce (partie orientale), Égypte, Syrie, Pakistan (grosse partie), Jordanie, Israël, Palestine, Liban, Caucase, Asie centrale, Libye, et Arabie saoudite (partie nord). L'empire devient par la suite le plus grand du monde antique, avec un territoire couvrant approximativement 7,5 millions km². Face à cette démesure, vous excuserez votre lièvre précieux de ne pas fournir de plus amples détails ! La mythologie perse est à la fois très voisine et profondément différente de la mythologie de l’hindouisme. Elle en est très voisine parce que les Iraniens sont, de tous les peuples indo-européens, celui dont la langue a le plus d’affinités avec le sanskrit et aussi celui qui est resté avec les Aryens de l’Inde en relations les plus fréquentes. Elle en est profondément différente, parce que la religion des anciens Perses acquiert de bonne heure un caractère beaucoup plus moral que mythologique. Le meilleur recueil de mythologie perse ancienne est contenu dans le Shâh Nameh de Ferdowsi (livre des rois), écrit il y a plus de mille ans. La plupart des informations à propos des dieux persans antiques peut être trouvé dans les textes religieux de Zoroastre.

Ouf ! On peut maintenant commencer...

Sîn est la divinité personnifiant la Lune dans la Mésopotamie antique. Comme la plupart des autres dieux mésopotamiens elle a eu plusieurs noms : Sîn (ou Sî') correspond à la forme akkadienne de son nom (langue des royaumes de Babylone et d'Assyrie) tandis qu'en sumérien, la divinité est connue sous les noms Nanna(r) ou Su'en (d'où dérive sans doute le nom akkadien).

Nanna/Sîn était une des divinités les plus importantes du panthéon de la Mésopotamie, sans jamais avoir joué un rôle majeur dans la mythologie. Il était subordonné à son père le grand dieu Enlil, mais les deux autres grandes divinités astrales, la déesse Inanna/Ishtar (déesse de l'Amour hermaphrodite liée à Vénus, Ashtoret chez les Phéniciens, Astarté du royaume hittite d'Ougarit, sur la côte syrienne) et le dieu solaire Utu/Shamash étaient considérés comme ses enfants. Du fait de l'importance du cycle de la lune dans le culte religieux, il a conservé une place de premier plan durant toute l'histoire mésopotamienne, et son principal sanctuaire, dans la grande ville d'Ur, fut l'un des principaux lieux de culte de la région (un autre étant situé à Harran, dans le Nord-Ouest, c'est-à-dire dans la partie orientale de l'actuelle Turquie). Il est manifeste que le temple du Dieu-Lune à Ur est alors l'un des plus importants de la Basse Mésopotamie, et le grand roi Sargon d'Akkad fait de sa fille la grande-prêtresse du dieu, épouse terrestre de la divinité. Il est imité en cela par d'autres rois par la suite.

Astarté
Secondairement, dans de nombreux hymnes et textes rituels, Nanna/Sîn apparaît comme une divinité liée à la fertilité, en particulier celle des troupeaux de vaches. L'origine de cette fonction pourrait être liée à la proximité entre le cycle de la lune et le cycle menstruel (un rituel visant à aider l'accouchement difficile d'une femme enceinte est ainsi placé sous les auspices du dieu lunaire de la fertilité). Alors que le dieu solaire parcourt le ciel la journée puis passe les nuits dans le Monde souterrain, le dieu lunaire prend le relais. Généralement représenté disposé à l'horizontale avec les deux extrémités pointées vers le haut, le croissant lunaire ressemblait à une paire de cornes, ce qui est à relier avec l'aspect bovin et fertilisateur du dieu-lune, ou encore à un bateau. Certains hymnes présentent les différents stades de l'évolution de la lune dans le ciel nocturne comme différentes manifestations du dieu lunaire. Un hymne sumérien indique ainsi qu'à la nouvelle lune il est le « jeune Su'en », puis devient le « père Nanna » lors de la pleine lune. Il y a là des parallèles évidents avec la mythologie égyptienne.

Ziggourat d'Ur dans l'Irak actuel

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