Né
en 1902 à Vacoas (île Maurice), dans une famille franco-mauricienne
d'origine forézienne, Malcolm de Chazal n'a quitté son île natale
que pour acquérir une formation d'ingénieur à l'université de
Baton Rouge, en Louisiane. Entre 1940 et 1945, il publie sept volumes
de Pensées dans lesquels il trouve peu à peu le
ton fulgurant propre à la révélation prophétique. Adressés à de
nombreux intellectuels et artistes européens, ces volumes séduisent
particulièrement Dubuffet, Jean Paulhan, Francis Ponge, André
Breton. Célébré comme un génie à l'état brut, comme un météore
poétique surgi des antipodes, Chazal peut faire éditer chez
Gallimard les aphorismes surprenants de Sens
plastique (1947) et les textes plus discursifs de La
Vie filtrée (1949). Les lecteurs d'alors sont fascinés
par la méthode poétique de Chazal : une pratique obstinée de
la métaphore et de la synesthésie, une systématique de l'analogie
qui vise à mettre au jour un système universel de correspondances,
à démontrer un processus d'hominisation générale de la nature.
Cette poétique, qui tient à la fois de la tradition occultiste et
des illuminations des devinettes créoles (les sirandanes),
s'épanouit en une théorie de la connaissance fondée sur le refus
de tout dualisme et sur ce « sens magique » qu'est
l'intuition de l'analogie universelle. Replié sur son île, où il
fait figure d'excentrique, Malcolm de Chazal continue d'écrire et de
publier quantités d'ouvrages de toutes sortes (chroniques, théâtre,
pensées) jusqu'à sa mort en 1981.
Jean-Louis
Joubert
(extrait
de l'article de l'Encyclopédie Universalis)
Il
faudrait un soleil dans l’œil pour voir le noir absolu, et une
lune absolue pour voir le blanc total.
Les
rares jours où Phœbé a le dessus sur Phœbus, ce dominateur
intraitable, et où Phœbé force ce dernier à lui céder la place,
voient au couchant le soleil furibond fuir sous l’œil narquois de
la lune.
Le
blanc de l’œil dans la pénombre est le plus beau des clairs de
lune.
La
lune est l'absolu du contre-jour. Qui trop fixe le soleil finit par
« voir » une nuit blanche.
La
lune a des mains d'ivoire et des bras d'argent, dont les bouts de
doigts égouttent de la nacre. La coulée lunaire est un flot qui
s'épaissit et rutile à mesure qu'il s'approche du sol. Vue de la
stratosphère, au milieu des flots de lune, la Terre paraîtrait
telle une conque de lait nacré aux reluis d'argent.
On
dit : « vivre sur
la Terre ». Mais on dira : « vivre dans
la Lune ». Cette antithèse s'appliquant à un même état de
fait sur deux mondes également ronds, s'explique du fait que la vue
conçoit cave
toutes choses vues de près et met
sa vue dans le lointain, comme une sébile où l'on dépose une
obole. On inventorie
les choses de près, on fouille
les objets à distance, l’œil cherchant comme un point d'appui
d'autant plus solide que le pont du regard doit franchir de vastes
espaces. Le regard de l'homme est comme une vrille, la nuit, sur la
voûte étoilée, perforant chaque étoile qui nous fixe.
Notre
Terre est sans doute la « lune » de la Lune, comme la
Lune est notre lune. Combien de gens nous voient tels que nous les
voyons et que l'aveuglement du soleil de notre moi nous cache à
nous-même, comme l'aveuglement du soleil durant le jour empêche la
Terre de voir comment la voit la Lune, et comme l'aveuglement de la
gloire nous empêche de voir ce que pense véritablement de nous le
monde.
Un
soleil brille dans la perle, et une lune s'y expose, mariant leurs
rayons couplés en un feu unique, comme du cristal brillant dans de
la nacre, ou comme du lait étincelant lançant des flammes d'argent.
La perle est le seul lieu sur la surface des terres où soleil et
lune se tiennent dans un même « ciel ». La perle est un
soleil de nacre et une lune de cristal, sertis dans un bain de lait
d'argent.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Si vous souhaitez adresser quelques carottes au LL ou au contraire, lui donner un coup de bâton sur le râble, ce formulaire vous est dans les deux cas destiné :