Votre lièvre précieux avait depuis longtemps la volonté de témoigner de sa haute estime et d'exprimer son infinie tendresse pour l’écrivain Henri Calet, état de franche empathie qui le pousse à prêter les ouvrages de ce monsieur aussi souvent que possible. De fait, pour le besoin de ce billet, j’allai m’enquérir de son premier ouvrage « La belle lurette » et constatai avec désappointement l’absence de l’objet de ma bibliothèque en bois lunaire sculpté, située à l’angle de la 37e et 38e galerie de mon terrier.. Comme tant d’autres livres qui attendent dans l’antichambre des acquisitions futures, espérant un très hypothétique héritage d’oncle américain (ou de tante chinoise), le rachat de ce livre devra lui aussi attendre, conformément à son titre, un bout de temps. Ce livre par lequel le petit monde de Calet me fut un jour découvert et dont je suis momentanément dessaisi fut publié en 1936 chez Gallimard, grâce aux bons soins de Jean Paulhan, qui possédait une solide connaissance et forte intuition de la « chose » littéraire. Et les lecteurs (femmes & hommes, comme ont dit des humains en général) de l’œuvre de Calet se montrent toujours étonnés (et irrités) du malheureux manque de représentation de l’auteur au sein même des bibliothèques et de la méconnaissance d’icelui (quand ce n’est pas ignorance complète) auprès des professionnels du livre.
Incisif, mordant, Henri Calet impose par sa tenue et sa retenue : c’est un maître de l’expression, observateur attentif des petites manies de ses semblables et des grands travers de son époque. Comme d’autres écrivains de sa génération, Calet témoignera sans ambages, ni arrogance ni bassesse, de son expérience de la guerre (Le bouquet, écrit en 1942, publié en 1945), mais aussi de l’après-guerre (Contre l’oubli, recueil de chroniques et reportages parus dans les revues Combat et Terre des hommes), au moment où le public souhaite « tourner la page » d’un passé encombrant et ne rien faire d’autre que s’y soustraire (ou s’en distraire). Avec Calet (et quelques autres écrivains perfides, maintenus en purgatorium), il est vrai que la gaieté n’était pas au rendez-vous. Son écriture peut bien être savoureuse et paraître au premier abord légère, elle renferme des piments forts, des essences lourdes (et réciproquement). La rencontre se fera bien des années plus tard, passé le contrat d’allégresse, trop tard pour le temps d’une existence passablement agitée (1), qui se sera consumée un peu trop vite. Henri Calet finira ses jours chichement, vivotant d’une suite de travaux de commande, et il aura le chic de mourir de crise cardiaque un jour de 14 juillet. En 1956, sous le soleil de Vence.
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