La symbolique, pas plus que les croyances populaires, ne font de différence entre le lièvre et le lapin. Pour certaines civilisations anciennes, le lièvre était un « animal de la lune » car les taches sombres que l’on peut voir sur le disque lunaire ressemblent à un lièvre en pleine course.

Encyclopédie des symboles (sous la direction de Michel Cazenave, La Pochothèque,1996)


auteur-éditeur : www.remy-leboissetier.fr

dimanche 8 mai 2011

Les enfants dans la lune : Bil et Hjúki, Jack et Jill [Scandinavie, Grande-Bretagne]

Dans l’ancienne langue des pays scandinaves, le norrois, comme en langue allemande, le soleil est féminin et la lune masculin. La Völuspa (Prédiction de la voyante), poème cosmogonique faisant partie de l’Edda, ensemble de récits de mythologie nordique, d’origine islandaise, nous apporte une précision importante : la lune et le soleil sont frère et sœur, ils sont les enfants de Mundilfœri (au sens littéral, "celui qui conduit le temps") :

Il y avait un homme qui s'appelait Mundilfœri et qui avait deux enfants. Ils étaient si beaux et si splendides qu'il donna à son fils le nom de Máni et sa fille celui de Sol […] Mais les dieux se courroucèrent de cette présomption, aussi se saisirent-ils du frère et de la sœur: ils les placèrent en haut dans le ciel […] Máni dirige le mouvement de la lune et préside à la croissance et à son décours. (Snorri Sturluson, La mystification de Gylfi).

Un jour, Máni enleva deux enfants de la Terre, Bil et Hjúki, alors qu'ils revenaient du puits Byrgir, portant sur leurs épaules le seau Sæg au moyen du bâton Simul. Depuis, ils accompagnent la Lune, comme on peut le voir depuis la terre (probablement par allusion aux taches lunaires).

Dans l’édition de l’Edda de Snorri Sturluson, François-Xavier Dillmann précise :

Ces deux noms doivent faire référence aux deux phases opposées de la lune : d’abord le décours, période néfaste selon les croyances populaires, puis la croissance, période jugée faste. Ce passage, dont la source a pu être une strophe comportant une énigme, doit probablement être interprété de la façon suivante : arrachés à la terre, Bil et Hjúki font à présent partie intégrante de la lune, mais ils peuvent être vus depuis la terre lors de son décours (pour Bil) et de sa croissance (pour Hjúki). Les circonstances de leur enlèvement illustrent bien les liens unissant la lune et l’eau, et en particulier les phases lunaires et les marées.

Cette histoire se rattache à la croyance populaire très répandue de l'Homme dans la Lune et tous les anglais connaissent bien cette nursery rhyme : "Jack and Jill went up the hill / To fetch a pail of water / Jack fell down, and broke his crown / And Jill came tumbled after."

Au sujet de cette comptine, William Stuart Baring-Gould écrit :

Je n’hésite pas à affirmer que ces vers, qui nous semblent du nonsense, remontent à une période très ancienne et qu’ils ont un lien avec l’histoire des enfants Hjúki et Bil de la mythologie nordique. Les noms eux-mêmes nous l’indiquent. Hjúki, en norrois, doit se prononcer Juki, qui se lit communément Jack ; Bil, pour conserver l’euphonie et s’accorder à un prénom féminin, devient Jill. La chute de Jack, et celle, consécutive, de Jill, représentent la disparition progressive des taches de la lune, à mesure que celle-ci décroît. Mais le mythe nordique renferme une signification plus profonde que cette simple explication des ombres lunaires. Hjúki est dérivé du verbe jakka, to heap ou pile together (entasser, empiler), to assemble et increase (rassembler, augmenter) ; quant à Bil, il dérive de bila, qui signifie to break up, to dissolve (rompre, dissoudre). Hjúki et Bil symbolisent donc clairement le cours et décours de la lune, et l’eau qu’ils transportent suggère que la pluie dépend des phases de cet astre.

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