Si un prix d’excellence de l’excentricité devait être attribué, sans doute faudrait-il le décerner à ces duettistes anglais, que furent Brian Poole (Renaldo M Malpractice) et Dave Janssen (Ted the Loaf).
Déboulant en 1981, Songs of swinging larvae faisaient entendre à des oreilles abasourdies des espèces de mantras-limericks livrés au démon de la perversité, portés par une voix extrême et acidulée, nous menant en voyage quelque part du côté d'Irlande et de Bali, entre modernité loufoque et folie médiévale, cabinet de curiosités et magasin de farces & attrapes, c'est-à-dire, plus réellement, du côté du Pays de Nulle part, à la source de folklores imaginaires.
Renaldo & the Loaf, c'est l'enfance de la musique et la musique de l'enfance, tellement surprenante de prime abord, qu'elle fait dire à certains qu'elle est "insupportable". Au tribunal des réprouvés, votre lièvre précieux entend affirmer avec véhémence le contraire, patte levée vers ces tristes auditeurs qui accusent Renaldo & the Loaf de cultiver l'extravagance pour l'extravagance - et de s’irriter généralement du suremploi de leurs procédés sonores (delay, overdubbing, tape effects, prepared guitars…) Affaire de goûts et de couleurs, dont on aurait peine à discuter… Soit on aime (à la folie, bien sûr) soit on n'aime pas (et c'est irrémédiable). Quoi qu’il en soit de ce système d’expérimentations qui définit l'essence même de la musique de RATL, force est de constater que celle-ci demeure d’une étonnante fraîcheur, trente ans après sa naissance.
Fans de Tyrannosaurus Rex, du barde Ivor Cutler, de groupes de rock dit "progessif" comme King Crimson ou "krautrock" comme Can, Brian Poole (étudiant en architecture) et Dave Janssen (étudiant en zoologie) nouent leur collaboration au début des 70's, mais commencent réellement à trouver leur "langage" vers la fin de cette décennie (la cassette "Struvé and Sneff" date de 1979), en pleine effervescence du punk rock - ce qui n'est pas anodin. Si le punk rock procède à une purge radicale des 60’s, il ouvre la voie à l'expérimentation, particulièrement intense en milieu des années 70 et début des 80.
Renaldo and the Loaf naît sous cette appellation en 1979, avant d'être signé par Ralph Records en 1981 (Brian Poole ayant réussi, au cours d’un voyage à San Francisco, à éveiller la curiosité puis susciter l'intérêt d'un des membres des "Residents", ce groupe mystérieux dont nous aurons forcément à reparler, autour duquel gravitent des formations et personnalités les plus diversement audacieuses de la période : Snakefinger, Fred Frith, Art Bears, Yello, Tuxedomoon, Negativland, Clubfoot Orchestra, Cabaret Voltaire, Einsturzende Neubaten...). Suivront en 1983 l'excellent album "Title in Limbo" en association avec The Residents, "Arabic Yodelling" puis la reprise de "Struvé and Sneff" en 1984. Le dernier album, "The elbow is taboo" (1987, Some Bizarre) prendra deux années de gestation, de 1984 à 1986, l'acquisition d'un nouveau matériel se révélant plutôt une entrave à l'évolution de leur musique si particulière, née d'une fragile alchimie. Brian et Dave enregistrent en 1987 leur dernier titre ensemble, "Haul on the bowline", chant traditionnel de marins anglais, pour l’album « Potatoes » (Ralph records). That’s all, folks !
Manifestement, ces chants inauguraux "pour larves trépidantes" représentent l'une des tentatives d'émancipation les plus joyeuses et captivantes de la musique pop-rock. Bref, au-delà de toute définition, considérons-le comme un classique de la musique non sérieuse, support idéal pour les lapins bondissants et autres créatures carnavalesques. Truckmusic for the tricksters !
Brian & Dave
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