Lune bénie
Des
insomnies,
Blanc
médaillon
Des
Endymions,
Astre
fossile
Que tout
exile,
Jaloux
tombeau
De
Salammbô,
Embarcadère
Des grands
mystères,
Madone et
miss
Diane-Artémis,
Sainte
Vigie
De nos orgies
Jettatura
Des
baccarats,
Dame
très-lasse
De nos
terrasses,
Philtre
attisant
Les
vers-luisants,
Rosace et
dôme
Des
derniers psaumes,
Bel
œil-de-chat
De nos
rachats,
Sois
l’ambulance
Sois
l’édredon
Du
Grand-Pardon !
Litanie des derniers quartiers de la Lune
Eucharistie
De
l’Arcadie,
Qui fait de l’œil
Aux cœurs
en deuil,
Ciel des
idylles
Qu’on veut
stériles,
Fonts
baptismaux
Des blancs
pierrots,
Vortex-nombril
Du
Tout-Nihil,
Des
impassibles,
Hôtel garni
De
l’infini,
Sphinx et
Joconde
Des défunts
mondes,
Ô Chanaan
Du bon
Néant,
Néant, La
Mecque
Des
bibliothèques,
Léthé,
Lotos,
Exaudi nos !
biographie
résumée d’après l’édition 1970, éditions Gallimard et Librairie Générale
Française, présentée et annotée par Pascal Pia
1860.
— Naissance de Jules Laforgue à Montevideo [où naquit Lautréamont en 1840 et où
naîtra également le poète Jules Supervielle, en 1884]. Charles Laforgue, son
père d’origine tarbaise, abandonne l’enseignement (professeur de lettres)
pour entrer dans une banque d’affaires. Sa mère, née au Havre, est la fille
d’un Normand exploitant en Uruguay une fabrique de chaussures. Second enfant,
Jules Laforgue aura au cours des années suivantes neuf autres frères et
sœurs.
1866-1867.
— Mme Laforgue, ses enfants et leurs grands-parents maternels se rendent à Tarbes, suivi un peu plus tard de M. Laforgue, qui repart ensuite avec sa femme pour
l’Uruguay et ses derniers-nés. Émile et Jules, les aînés restent à Tarbes chez
des cousins de la famille.
1869.
— Jules rentre au Lycée de Tarbes.
1875.
— La famille Laforgue rentre définitivement en France. Elle compte alors dix
enfants. Un autre garçon naît en fin d’année.
1876.
— La famille se fixe à Paris, où Jules poursuit ses études lycéennes.
1877.
— Une pneumonie emporte Mme Laforgue, à 38 ans (trois mois plus tôt, enceinte
pour la douzième fois, elle avait fait une fausse couche). Jules échoue au
baccalauréat, qu’il n’obtiendra jamais, principalement à cause d'une grande timidité qui lui fait perdre ses moyens à l'oral.
1879.
— Charles Laforgue est ses 11 enfants changent de domicile parisien, mais peu
après le chef de famille, malade, décide de retourner à Tarbes, ne laissant à
Paris que son second fils, Jules, et l’aînée de ses filles, Marie. Ayant
renoncé à ses examens, Laforgue lit beaucoup.
1880.
— Premières amitiés littéraires de Laforgue, par l’intermédiaire, semble-t-il,
des soirées organisées par les Hydropathes (Émile Goudeau, Maurice Rollinat,
Charles Cros). Soutien particulier de Gustave Kahn et Paul Bourget. Un premier
texte en prose de Laforgue paraît en revue.
1881.
— Laforgue suit des cours d’esthétique, s’intéresse à la peinture, visite des
musées, rencontre des artistes. Emploi partiel de secrétaire auprès de Charles
Ephrussi, riche amateur et collectionneur d’impressionnistes. Il écrit une
nouvelle, conçoit le projet d’un roman, figure deux fois encore au sommaire de
la revue La vie moderne, avec des
textes en prose, mais il compose surtout des poèmes. Sa sœur Marie a quitté
Paris pour aller soigner leur père. Le sort de Laforgue reste incertain :
il loge à présent en garni, déjeune dans de pauvres gargotes, dîne sur le pouce
et broie du noir. Grâce au concours de Paul Bourget et le soutien de Ephrussi,
Jules Laforgue obtient un poste de lecteur auprès de l’impératrice d’Allemagne
Augusta : 9000 francs par an, plus divers avantages (appartement au Prinzessinen Palais à Berlin, la
nourriture, les services d’un domestique particulier). Au même moment, en
novembre, son père meurt à Tarbes et ses préparatifs de départ l’empêchent
d’être présent aux obsèques. Son travail consiste à donner lecture à la
souveraine, chaque soir, pendant une heure, et quelquefois en fin de matinée,
d’articles parus dans la presse française.
1882.
— Les déplacements de Laforgue suivent les lieux de résidence de l’impératrice : Berlin,
Wiesbaden, Baden-Baden, Coblence, Hambourg, Potsdam… à Berlin, il noue des
relations avec le jeune artiste Max Klinger. Divers projets (roman, nouvelles,
étude, essai, comédie et des poèmes…) et quelques publications d’articles.
1883-1885.
— Beaucoup des poèmes réunis dans ses
Complaintes datent de l’année 1883. En 1884, il prépare l’édition de son
ouvrage, qui paraîtra en juillet 1885. Cette même année, il compose les poèmes
réunis dans L’Imitation de Notre-Dame de
la Lune, qui paraîtra en novembre, et plusieurs de ses Moralités légendaires. Il partage
généralement son temps de vacances entre Tarbes et Paris.
1886.
— Au retour d'un voyage au Danemark, il s’arrête à Hambourg où un paquebot uruguayen
lui rappelle son pays natal. Soucieux d’améliorer sa connaissance de l’anglais,
il demande des leçons à Miss Leah Lee qui vit à Berlin. Après une période où il
se dit « parfaitement amoureux », période de marasme. Il se remet à
écrire et compose un grand ensemble de poèmes, qu’il compte intituler Des
fleurs de bonne volonté. Gustave Kahn, qui vient de fonder une petite revue,
publie tout ce que Laforgue lui envoie. Le
Concile féerique, paru en juillet fait presque aussitôt l’objet d’une
édition en plaquette. Laforgue commence à se lasser de son exil doré et
projette de quitter son poste pour revenir s’installer à Paris. Il
compte enfin partir en septembre et offre le mariage à Leah Lee, qui y consent.
Ils sont mariés par un pasteur à Londres le 31 décembre « en un quart
d’heure, sans messe et pour vingt-cinq francs. Sans papiers. ». La
collaboration de Laforgue aux revues se voit renforcée.
1887.
— En rentrant à Paris, il écrit à sa sœur qu’un rhume, « vieux de trois
mois » le fatigue. Il voit un médecin. Mais son affection pulmonaire
persiste et il ne soupçonne pas la gravité de son mal. Un peu de répit lui est
accordé et les publications reprennent, notamment dans la Revue indépendante dirigée par Edouard Dujardin, assisté de Félix
Fénéon, où paraît chaque mois une Chronique
parisienne. Mais trois semaines seulement après son mariage, Laforgue se
trouve démuni et doit demander des avances. Des amis interviennent, mais son
état de santé ne lui permet plus d’entreprendre de nouvelles démarches. Depuis
avril, une fièvre continue l’exténue et il doit prendre des pilules à base
d’opium, ce qui lui rend tout travail de plus en plus difficile. Il écrit à sa
sœur qu’il a un poumon menacé et qu’il ne pourra pas rester l’hiver à Paris. Il
envisage de partir pour Alger avec sa femme. Dujardin lui offre de réunir en
volume ses Moralités légendaires qu'il compte publier à l'automne.
Laforgue y souscrit, mais il meurt en août,
alors qu’il vient d’avoir 27 ans. On l’inhume au cimetière de Bagneux. Une
dizaine de personnes suivent le convoi : sa veuve, une ou deux autres
femmes, Emile Laforgue, son frère aîné, le musicien Théo Ysaye, le peintre
Seurat et 5 écrivains, dont Paul Bourget, Gustave Kahn, Félix Fénéon, Jean
Moréas et Paul Adam. La saison des vacances avait éloigné de Paris quelques
autres amis.
1888.
— Rentrée en Angleterre, Miss Leah Lee meurt à son tour de phtisie le 6 juin.
Elle venait d’avoir 27 ans elle aussi.
dessin de Jules Laforgue |
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