Hey
Diddle Diddle
fait partie du répertoire
des nursery
rhymes,
autrement dit du patrimoine des chansons enfantines d'Angleterre,
avec cette qualité de nonsense
qui les caractérise. Nonsense
ne signifie pas non-sens, comme je l’ai noté dans un message sur
Edward Lear. Il
y a même, au sujet de cette chanson, plusieurs hypothèses qui
pourraient servir d’explication au mystère de la vache qui saute
par-dessus la Lune et aux excentricités des autres personnages et
objets animés. Mais que dit d’abord Hey
Diddle Diddle ?
En voici les paroles les plus authentiquement fantaisistes, de type
A-A-B-C-B, avec ses variantes :
The
cat and the fiddle,
The
cow jumped over the moon,
The
little dog laughed to see such sport,
And
the dish ran away with the spoon.
Le
quatrième vers existe également sous les formes The
little dog laughed to see such a
sight ou The
little dog laughed to see such fun,
et le cinquième comme And
the dish ran after
the spoon.
Parmi
les théories pouvant s’appliquer à cette chanson, citons de
préférence celle qui aurait trait à une leçon d’astronomie, les
deux autres étant liées à des événements politiques qui nous
intéressent moins. Tous
les sujets et objets de la chanson auraient leurs correspondances et
représenteraient des constellations visibles dans le ciel d'avril :
le
chat serait le Lion ;
le
violon serait la Lyre ;
la
vache serait le Taureau ;
la
Lune restant la Lune ; le petit chien serait lui aussi
indifféremment le Petit Chien ; le plat serait la Coupe (Crater
en anglais) et la cuillère serait la Grande Ourse (surnommée
en anglais The
Big Dipper, "la grande louche"). Pour les premiers Européens,
notamment les Anglais, c'était le signe qu'il était temps de semer
les cultures.
La
chanson a été souvent réutilisée, à différentes époques. On en
connaît aussi la partition. Un disque de Papa John Creach (violoniste ayant joué avec le groupe Jefferson Airplane) s'intitule "The cat and the fiddle".
J.
R. R. Tolkien, le célèbre auteur du Seigneur
des anneaux,
s’en est servi plusieurs fois en l’associant à une autre légende
que j’ai déjà mentionnée, celle de l’Homme dans la lune
et dont Hey
Diddle Diddle
semble même dériver.
On
sait que l’écrivain s’est largement inspiré du folklore, des
légendes de la mythologie celtique et nordique. Cette comptine qui
lui a servi de base à un poème intitulé L’homme
dans la lune a veillé trop tard
(The
Man in the Moon Stayed Up Too Late)
a subi différentes modifications en fonction des publications
La
version la plus complète se trouve dans Le
Seigneur
des anneaux
(Frodon la chante et c’est sur le vers The
cow jumped over the moon qu’il
passe par inadvertance l’Anneau unique à son doigt). Ceux qui
désirent en connaître la traduction française (à mon avis peu
satisfaisante) en liront l’intégralité dans le chapitre 9 du
Livre I, intitulé « A l’enseigne du Poney Fringant ».
Cependant, il est préférable de l’entendre dans sa version
originale, chantée et scandée comme c’est le cas ici (merci à M.
Freeman Ng qui l'interprète).
La chanson écrite par Tolkien, associant la comptine Hey Diddle Diddle à celle de The Man in the Moon, ne perd évidemment rien
du caractère absurde de l’une et l’autre. En voici un possible résumé :
L’Homme
de la Lune descend sur terre et se rend dans une auberge où l’on
brasse une bière de réputation excellente. Il y a là un valet
d’écurie (palefrenier) qui possède un chat violoniste — un
genre de derviche et de figure chagallienne — l’aubergiste avec
son chien qui apprécie beaucoup les plaisanteries et « dresse
l’oreille à toutes les farces », riant à s’en étouffer.
Il y a aussi une vache à qui la musique fait rapidement tourner la
tête et l’entraîne à danser. Des objets participent aussi à la
danse, le plat et la cuiller en argent. La musique rend pour finir
tout ce monde un peu fou : le chien poursuit sa queue, la vache
cabriole dans le jardin, tandis que l’Homme dans la Lune, à force
de pintes, roule sous la table et s’endort. Mais à l’approche de
l’aube, les « chevaux blancs de la lune » hennissent et
tirent sur leur mors, voilà que les étoiles pâlissent... C’est
l’heure de rentrer !
L’aubergiste
secoue en vain l’Homme de la lune, le chat-violoniste se lance dans
une gigue « à réveiller les morts », le chien rugit,
les hôtes se remettent à danser. Le parquet tremble, tout est sens
dessus dessous — image d’un monde pris dans une sorte de spirale,
susceptible à tout moment de se renverser. L’aubergiste aidé du
palefrenier réussissent finalement à rouler l’ivrogne sur la
colline et à le « fourrer » dans la lune. Et au
moment où il apparaît, le soleil constate avec surprise que tout le
monde est parti se coucher !
Avant d’apparaître dans le Seigneur des anneaux, ce poème inspiré de la comptine Hey Diddle Diddle connut une version vers 1919-1920, puis fut publié dans Yorkshire Poetry en 1923 sous le titre The Cat and the Fiddle : A Nursery Rhyme Undone and Its Scandalous Secret Unlocked.
Avant d’apparaître dans le Seigneur des anneaux, ce poème inspiré de la comptine Hey Diddle Diddle connut une version vers 1919-1920, puis fut publié dans Yorkshire Poetry en 1923 sous le titre The Cat and the Fiddle : A Nursery Rhyme Undone and Its Scandalous Secret Unlocked.
Cependant,
une version antérieure fut rédigée en mars 1915 et s’intitulait
alors Pourquoi
l’Homme dans la Lune descendit trop tôt
(The
Man in the Moon Came Down Too Soon)
inspiré d'une comptine sans titre du XIXe siècle
faisant référence à l’Homme dans la Lune. Une autre version
intégrée aux Aventures
de Tom Bombadil
reprend à quelques variantes près le même motif : comme dans
le poème précédent, on découvre dans L'Homme
dans la lune est descendu trop tôt une
visite terrestre de l'Homme dans la Lune, las de vivre seul et avide
de découvrir la vie et les riches couleurs, nourritures et boissons
de la Terre. Mais il atterrit au beau milieu de la nuit, alors que
tous sont endormis, et n’obtient pour seule nourriture que du
porridge froid datant de deux jours.
L’Homme
dans la lune,
personnage récurrent de l'œuvre de Tolkien, est également présent
dans Le
livre des contes perdus
(plus précisément dans Le
conte du Soleil et de la Lune)
que l’auteur commence à écrire vers 1916-1917 préfigurant les
légendes qui prendront place dans Le
Silmarillion.
Le personnage apparaît aussi dans Roverandom,
un livre écrit en 1927.
L'histoire, écrite juste avant Bilbo le Hobbit, conte les aventures d'un chiot nommé Rover, qui après avoir mordu un sorcier, se voit transformé en jouet (et renommé en Roverandom). Un petit garçon acquiert le chien-jouet, mais finit par le perdre alors qu'il joue sur la plage. Le jouet est alors envoyé par un sorcier vivre des aventures sur la Lune et dans la mer afin de retrouver son apparence originelle (Tolkien invente les aventures de Rover durant l'été 1925 pour consoler son fils Michael qui vient de perdre sur la plage son jouet favori, un petit chien en plomb). Parmi les autres personnages présents sur l’astre, on trouve aussi Le grand Dragon Blanc de la Lune, créature difficile et turbulente qui s’inscrit dans une antique tradition évoquant le Roland furieux de l’Arioste (1516), où la Lune est le siège de choses perdues et lieu de retraite des monstres, dont les dragons.
L'histoire, écrite juste avant Bilbo le Hobbit, conte les aventures d'un chiot nommé Rover, qui après avoir mordu un sorcier, se voit transformé en jouet (et renommé en Roverandom). Un petit garçon acquiert le chien-jouet, mais finit par le perdre alors qu'il joue sur la plage. Le jouet est alors envoyé par un sorcier vivre des aventures sur la Lune et dans la mer afin de retrouver son apparence originelle (Tolkien invente les aventures de Rover durant l'été 1925 pour consoler son fils Michael qui vient de perdre sur la plage son jouet favori, un petit chien en plomb). Parmi les autres personnages présents sur l’astre, on trouve aussi Le grand Dragon Blanc de la Lune, créature difficile et turbulente qui s’inscrit dans une antique tradition évoquant le Roland furieux de l’Arioste (1516), où la Lune est le siège de choses perdues et lieu de retraite des monstres, dont les dragons.
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